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une masse confuse, et il tombera sur elles, toutes forces réunies, à l’heure qu’il jugera opportune. Ce programme est indiqué, par le communiqué allemand du 27 août, qui le considère déjà comme en partie réalisé : « L’armée du général von Klück a culbuté l’armée anglaise près de Maubeuge, par un mouvement tournant… »

D’ailleurs, les faits parlent. Aussitôt le résultat heureux de sa première rencontre avec l’armée anglaise obtenu à Mons, von Klück poursuit la manœuvre à vaste envergure qui doit le porter, d’abord, sur le flanc de l’armée britannique dans la région de Cambrai. Cette tâche sera surtout l’œuvre de la cavalerie. Le corps de cavalerie von der Marwitz, qui devait préalablement opérer sur les bords de la mer, est ramené vers le Sud : il prend l’extrême droite, l’aile marchante. Le IIe corps (von Lissingen) marche à l’alignement et tourne avec lui ; les autres corps de l’armée von Klück emboîtent le pas et ils sont suivis par ceux de l’armée von Bülow, tous marchant face au Sud-Ouest et presque face à l’Ouest, tous s’étirant sur une ligne oblique pour se retourner finalement sur le flanc de l’ennemi.

Telle est la fameuse conception « géniale » ; elle est inscrite sur le sol même par le pas des régiments.

Rien qu’à cet aperçu général, on voit comment la conception allemande va se heurter à la conception de Joffre.

Joffre, ayant lu dans le jeu de ses adversaires, oppose contre-manœuvre à manœuvre ; on prétend tomber sur son flanc ; il prépare l’intervention d’une armée nouvelle destinée à tomber sur le flanc qu’on va lui présenter.

Von Klück croit qu’il n’a pas d’ennemi devant lui, et il fonce. Joffre lui ménage une surprise, et il attend.

Mais, pour que la conception française puisse se réaliser, trois conditions sont nécessaires : 1° il faut que la ligne du front, à laquelle se heurteront les gros de l’ennemi, reste intacte et sans lacune ; 2° que la masse de manœuvre soit prête à temps, et 3° que la clef du système de l’Oise, la Fère, soit encore entre nos mains.


Ces données générales une fois précisées, il y a lieu de suivre les opérations et les marches qui ont amené les armées sur le terrain.

Puisque l’armée britannique, formant l’aile gauche de