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de la Russie de toute domination allemande et l’évacuation des territoires russes arrachés par le traité de Brest-Litovsk. » Par-dessus tout, M. Lodge estime d’une extrême importance que les grandes populations slaves, présentement soumises à l’Autriche-Hongrie, notamment les Yougo-Slaves et les Tchéco-Slovaques, soient constitués en États indépendants qui, avec la Pologne, formeront une barrière sur le chemin de l’Allemagne vers l’Orient.

Pour ne retenir de ce programme qu’un point, les autres ne comportant en effet que des réparations, non des créations, en ce qui concerne « les grandes populations slaves, » la solution proposée par le sénateur Lodge, — faire des Yougo-Slaves et des-Tchéco-Slovaques, constitués en États, une barrière vers l’Orient, — cette solution n’est pas nouvelle, ce n’est pas une invention américaine. Nous la connaissons ou la reconnaissons. Elle est contenue dans une page célèbre de Giuseppe Mazzini, qu’on invoque, il est vrai, par allusion plus souvent qu’on ne la cite, et que publia, peu de mois avant sa mort, advenue en 1872, la revue qu’il venait de fonder, la Roma del popolo. Il convient que le document soit dès maintenant versé au dossier. «Depuis Fiurne, écrivait. Mazzini, le long de la rive orientale de l’Adriatique, jusqu’au fleuve Bojano, sur les confins de l’Albanie, descend une zone sur laquelle, parmi les reliques de nos colonies, prédomine l’élément slave. Et cette zone qui, sur la rive adriatique, embrasse, dépassant Cattaro, la Dalmatie et la région monténégrine, s’étend, des deux côtés de la chaîne des Balkans, vers l’Orient jusqu’à la Mer Noire; elle remonte dans la direction du Nord, à travers le Danube et la Drave, jusqu’à la Hongrie, qu’elle envahit, l’élément slave augmentant d’année en année en proportion plus rapide que celle de l’élément magyar. »

Voilà proprement pour les Yougo-Slaves. Mais le texte poursuit : « Entre cette zone, peuplée d’une douzaine de millions de Slaves, et la zone supérieure et continue, slave, elle aussi, qui de la Galicie s’étend d’un côté à la Moravie et à la Bohême, de l’autre à la Pologne pour rejoindre la mer Baltique à travers le duché de Posen et la Lithuanie, s’interposent, empêchement providentiel, à la réalisation de l’unité panslaviste rêvée, la Moldavie, la Valachie, la Transylvanie ; mais ce sont des terres daco-roumaines, à nous liées, depuis Trajan, par traditions historiques, affinités de langue et sentiments qui n’ont besoin, pour prendre de la force, que d’être cultivés par nous ; et, tandis qu’elles diminuent, le péril dont nous menace le Tsarisme, elles peuvent nous servir comme d’anneau de conjonction