Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi, par la force des choses, il y a eu deux guerres dans une. La guerra nostra, avait dit l’Italie, qui ne s’est résolue à déclarer à l’Allemagne une guerre, au commencement très peu guerraggiata, que lorsqu’il lui est apparu clairement que l’Allemagne était le support de l’Autriche. Mais c’est fini, il n’y a plus qu’une seule et même guerre, nostra pour chacun des deux groupes et chacun des membres de chaque groupe, guerreggiata par tous ensemble sur tous les fronts ensemble : Américains, Anglais, Français, Italiens, Serbes, Slaves du Nord et du Sud contre l’Allemagne en France; Américains, Anglais, Français, Italiens, Serbes, Slaves du Nord et du Sud contre l’Autriche en Italie. Le second groupe proclame, sur le mode antique : Delenda Austria, et le premier n’a pas à répondre et ne répond point : Servanda Austria. Mais il doit être également clair pour tous les deux que la malfaisante Autriche-Hongrie, née, telle que nous la connaissons, des hasards et des iniquités de l’histoire, ne peut être détruite que si, au préalable, la prépotence allemande est brisée; autrement, par la destruction même de l’Autriche, les provinces allemandes, détachées du reste, accroîtraient l’Empire des Hohenzollern ; et si, ce qui est douteux, la « barrière » mazzinienne de la Confédération slave se dressait suffisante, à l’Orient, devant le pangermanisme et le kaisérisme survivants, c’est vers l’Occident, où le bloc allemand écraserait l’Europe sur son axe et sur son milieu, de la Baltique à l’Adriatique, qu’il n’y aurait plus ni barrière, ni frontière, ni marche.

Déjà la prépotence allemande est atteinte ; six semaines de victoire à l’actif de l’Entente ont eu leur répercussion, dans le pays même où l’on s’était accoutumé à dire, avec ou sans regret, «los impotentes Aliados. » Les violences réitérées de l’Allemagne sur mer ont fini par lasser la patience la plus robuste ; ses insolences et ses intrigues sur terre, par réveiller la fierté, la susceptibilité castillanes. L’Espagne a notifié à Berlin que, pour chaque navire coulé, elle saisirait un navire allemand mouillé dans ses eaux, et se paierait ainsi tonne pour tonne. Le bruit s’était d’abord répandu que l’Allemagne acceptait, s’inclinait; et c’eût été un bon coup marqué au dynamomètre. Imaginez comment pareille démarche eût été accueillie, il y a seulement trois mois. Mais il n’en était rien, ou du moins que peu de chose. L’Allemagne ne contestait pas le principe bien-fondé de cette mesure de rétorsion ; mais elle en écartait l’application automatique, et réclamait le droit d’examiner les cas, c’est-à-dire d’ergoter, c’est-à-dire d’éluder. La décision espagnole avait été prise après les délibérations les plus solennelles; néanmoins, elle serait peut-être demeurée théorique, si,