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I. — UN BUSTE[1]

C’est la tête d’une toute jeune fille, presque une gamine, de quatorze à quinze ans, joufflue et délurée, le front droit et étroit, le nez bref et en l’air, l’œil haut, grand ouvert, la bouche sensuelle, aux coins enfoncés dans les joues surabondantes, la poitrine étroite, les os du cou affleurant à la peau, toute la tête encapuchonnée dans une chevelure aplatie, en ondes régulières qui masquent les tempes, descendent en bandeaux jusqu’au-dessous des oreilles, puis, par une courbe rapide, se relèvent sur la nuque de façon à laisser toute nue la tige du cou et finissent par retomber boudinées en une longue queue cylindrique derrière le dos, le cuazzone des Milanaises, tandis que deux boucles détachées coulent le long des joues en manière de tire-bouchons. Pas de bijoux : seulement un fil circulaire, la lenza, serre le haut de la tête, comme pour empêcher le front de se séparer de l’occiput et une résille brodée clôt, derrière le crâne, l’édifice des cheveux. Sur l’épaule gauche, une écharpe brodée de dessins réguliers et minutieux et, sur le corsage, d’autres broderies plus pittoresques : une large bague où s’enroulent des liserons en des volutes calligraphiques et où deux mains coupées secouent un linge plein d’une mystérieuse poussière sur le calice grand ouvert d’une fleur. Enfin, sur le socle, ces mots :


DIVAE

BEATRICI

D’HERC. F.

qui désignent, le plus clairement possible, Béatrice d’Este, seconde fille d’Ercole d’Este, duc de Ferrare, représentée avant

  1. Portraits de Béatrice d’Este, épouse de Ludovic le More, duchesse de Bari, puis duchesse de Milan :
    Authentiques : 1° le buste de marbre de la fin du XVe siècle, de Cristoforo Romano, portant cette inscription : Divæ Veatrici d’Herc. F, Salle de Michel-Ange, au Louvre.
    2° La statue tombale, placée à côté de celle de Ludovic le More, marbre, toutes deux de Cristoforo Solari, dit le Gobbo, à la Chartreuse de Pavie, dans le transept gauche de l’église.
    3° La figure de femme, en buste de profil gauche, peinture attribuée à Lorenzo Costa et à Ambrogio de Prédis, à 0.45 — 1. 0.35. Au Palais Pitti. Salle d’Ulysse, n" 371.
    4° La même figure, avec quelques légères variantes. (Collection Schickler.)
    5° La figure de donatrice, à genoux, dans le tableau intitulé La pala Sforzesca, représentant la Madone et divers saints, attribué parfois à Zenate, parfois à Bernardino dei Conti, à Milan, au musée Brera, salle XVII.
    6° Le médaillon peint à fresque par Luini, de profil gauche portant les lettres : BEATR. Au Castello Sforzesco, à Milan.
    7° Le médaillon sculpté de profil gauche, au-dessus du centre du plein cintre de la porte della stanza del Lavabo. A la Chartreuse de Pavie.
    8° Un des médaillons d’une miniature du M. S. Sforza de 1496, en tête de l’acte de donation de Cussago. Au British Museum.
    9° La médaille (monnaie d’argent) par Caradosso, revers d’une médaille de Ludovic le More. Buste de profil gauche de Béatrice d’Este, tête nue, cheveux retombant et réunis en queue.
    10° La figure de femme à genoux (aujourd’hui presque effacée) peinte par Léonard de Vinci au côté droit de la Crucifixion de Montorfano, au réfectoire de Sainte-Marie-des-Grâces.
    11° La tête de femme et buste de trois quarts, dessin attribué à Léonard de Vinci, avec l’inscription Béatrice Estense, aux Uffizi. .