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témoignages présentés comme des preuves, d’excuses faussement embarrassées, afin de créer une atmosphère de bienveillance relative, et d’accusations dont la folle audace ébranlera peut-être certains esprits timorés. Examinons un par un les principaux arguments du plaidoyer.


LES RESPONSABILITÉS DE LA GUERRE

La Gazette des Ardennes consacre à cette redoutable question un très grand nombre d’articles, et il est facile d’imaginer que la série n’est point close. Voici, résumée en quelques lignes, la thèse soufflée par le grand État-major impérial au naturalisé allemand Prévost (15 février 1915) :


Le soir du 31 juillet, le gouvernement français ignorait encore que la Russie avait ordonné la mobilisation générale dans la nuit du 30 au 31. L’ambassadeur français à Saint-Pétersbourg n’en avait donc, — si incroyable que cela puisse paraître ! — pas avisé son gouvernement, de sorte que la contre-mobilisation allemande a été connue plus tôt à Paris et put être ainsi présentée au public français comme une menace allemande. Il y a là, de toute évidence, des complicités inavouées que l’Histoire établira.


Cet exposé perfide a pu tromper les neutres et déconcerter un instant les Français retenus dans les régions envahies. Mais il est parfaitement insoutenable. Dès le 30 juillet, les Parisiens connaissaient par les journaux l’oukase du Tsar appelant sous les drapeaux les réservistes de 23 gouvernements entiers et de 71 districts de 14 autres gouvernements. Le même jour, on savait à Paris que le Lokal Anzeiger était l’objet d’une comédie de saisie, pour avoir annoncé que le Kaiser venait de signer l’ordre de mobilisation générale. Enfin, le 31 juillet, à cinq heures du soir, le Temps publiait un court résumé des principaux signes observés en Allemagne, touchant la préparation des hostilités. On avait donc eu, en France, la nouvelle de la mobilisation partielle russe avant celle de la mobilisation générale allemande. D’ailleurs, le public continuait à croire naïvement à des mesures de précaution exagérées de la part du Kaiser, mesures auxquelles l’occupation de Briey, réalisée dès le 2 août, devait donner, avant la déclaration de guerre, leur véritable signification.