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ne sont ni ses sujets ni ses vassaux, mais ses « confédérés, » parmi lesquels il occupe la place d’honneur d’un président portant le titre « Empereur allemand, » et non pas « Empereur d’Allemagne, » comme on dit couramment en France.

Aussi, n’est-ce pas l’Empereur que la Constitution place en tête des organes fondamentaux de l’Empire, mais le Bundesrat, le Conseil fédéral, où tous les États allemands se trouvent représentés… Pour déclarer la guerre, l’Empereur a besoin du consentement du Conseil fédéral, à moins que le territoire de l’Empire n’ait été attaqué.


Ce système de défense, s’il disculpe vaguement Guillaume II, offre l’inconvénient de rejeter la plus grosse part de responsabilité sur les princes confédérés. Mais l’argutie teutonne n’est jamais prise de court. Les princes ne peuvent non plus être accusés d’avoir voulu la guerre, car le même article crue nous venons de citer affirme : « ils n’ont fait qu’obéir aux sentiments clairement exprimés par le peuple allemand. » Alors, c’est donc la nation tout entière qui mérite le châtiment ? Pas davantage. Ni le Kaiser, ni le Kronprinz, ni la caste des junkers, ni les masses profondes d’un peuple affolé par quarante-quatre ans de prédications sauvages, ne doivent encourir le plus léger reproche pour avoir déchaîné sur le monde une telle catastrophe. Les choses se sont ainsi passées « parce que Dieu l’a voulu. » Le rédacteur de la Gazette nous apprend que « c’est Dieu qui a armé le bras de l’Allemagne ; c’est Dieu qui a envoyé aux peuples corrompus l’épreuve salutaire de la guerre et qui- nous interdit de discuter sa volonté. »


L’INVASION DE LA BELGIQUE

Guillaume II, transformé en instrument irresponsable de la colère divine, ne se croit point, cependant, dispensé de chercher des arguments plus accessibles à l’entendement humain, pour justifier l’envahissement de la Belgique. Le rédacteur de la Gazette des Ardennes feint, sur ce point, de s’en rapporter non seulement au témoignage des neutres, mais même à celui d’un citoyen anglais. Il reproduit, le 29 juillet 1915, une interview accordée au sénateur américain Beveridge par l’auteur dramatique anglais Bernard Shaw, interview publiée par certains périodiques des États-Unis et d’Angleterre, tels que le Collier’s Weekly.