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oppose, depuis de longues années, un Shakespeare vraiment vivant, humain, dans toute sa personnalité géante et multiple, dégagé des artifices extérieurs qui faussent sa pensée et offensent son génie, un Shakespeare vaste et imprévu comme la vie. Ce Shakespeare-là, qui n’a rien des allures de froide correction qui distinguent l’Anglais cultivé d’aujourd’hui, ce n’est que sur les scènes des grands théâtres de Berlin, de Munich, de Dresde, de Stuttgart, etc. qu’il est aujourd’hui bien vivant. Les très rares littérateurs français qui se sont sincèrement intéressés à l’œuvre « barbare » et grandiose du plus grand Anglo-Saxon, ne nous contrediront pas.

Que dire, hélas ! du Shakespeare interprété à la française ? En trois cents ans, la France n’a pas appris à mieux connaître celui que Voltaire appelait un aimable « Barbare, » un « fou » dont les œuvres pouvaient, tout au plus, plaire à des Indiens du Canada !… Les Français d’aujourd’hui ne méprisent plus Shakespeare. Ils l’ignorent, ce qui est pis.


Telle est cette annexion de l’œuvre shakespearienne à l’Empire allemand… Le journal de Charleville donne, avec un soin particulier, les nouvelles littéraires ou d’ordre scientifique de Paris et d’Europe. Le 4 février 1917, paraît cette information surprenante :


On mande de Constantinople : Sur la proposition du gouvernement ottoman, la Chambre (turque) a adopté le calendrier grégorien.


Le 9 février 1916, une « Variété littéraire » insérée dans la « régionale » étudie la communauté d’origine des patois du Nord et de l’allemand. Les mots patois tasse (poche), ecourche (tablier), rosse (cheval), chope (mesure pour les liquides) se disent en allemand : tasche, schürze, ross, schoppen. Cela suffit pour légitimer la conquête de la Belgique, des Flandres et de l’Artois.

Mais, en dehors des nouvelles de Paris, prises dans les journaux parisiens, le butin de l’équipe Prévost-Schmitzer est plutôt maigre, et la Gazette des Ardennes, repoussée par la masse et par les lettrés à la fois, essaie, avec sa rubrique de la Mode, d’atteindre la « clientèle féminine. » Dans le numéro du 31 octobre 1915, on a la surprise d’une « Chronique des modes » illustrée, — et de quelle façon ! — où il est affirmé :


De tout temps, la mode élégante eut un caractère international. Elle l’a conservé, même aux jours tragiques que nous vivons, alors