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enlevèrent d’un bond leurs objectifs, chassant devant eux l’ennemi avec une fougue qui rendait toute résistance impossible. On admira la parfaite discipline qui maintint leur élan en liaison immédiate avec le barrage d’artillerie qui précéda l’attaque d’infanterie. Lorsqu’ils furent solidement accrochés aux villages de Torcy, de Belleau, de Givry, à la station de Bouresches, ils voulaient pousser plus avant, faire un nouveau bond dans leur avance victorieuse. On dut modérer leur ardeur. C’est que le château de Monthiers, les maisons de Licy-Clignon, le bois de Pétret étaient encore occupés par les Allemands, et que ceux-ci, massés on force, acharnés à la résistance dans ces réduits hérissés de mitrailleuses, retenaient encore des troupes, à la gauche des Américains, et ralentissaient, pour quelques heures encore, la progression générale. Afin de nettoyer définitivement ces positions et de soulager les troupes voisines, aux prises avec l’ennemi en des combats terribles, nos Américains, par le rapide succès d’une manœuvre débordante, s’emparèrent de tout le terrain, depuis la ferme de la Conétrie jusqu’au hameau de la Halmardière, enlevant d’un seul élan les hauteurs d’Etrépilly, a sept kilomètres de Château-Thierry. Rien ne put les arrêter, ni les barrages de mitrailleuses ni les îlots de résistance où se cramponnait désespérément l’ennemi. Les Allemands, se voyant débordés par cette attaque brusquée, jugèrent alors que leur situation était intenable à Monthiers, et commencèrent leur mouvement de repli.

— Je n’aurais pas fait mieux, dans la même occasion, avec mes meilleures troupes, déclara le général Dégoutte, lorsqu’on lui rendit compte de la journée du 20 juillet et de ce beau succès de nos alliés.

En effet, ils avaient enfoncé les lignes ennemies sur une profondeur de plusieurs kilomètres, capturé trois canons, un minenwerfer de gros calibre et un grand nombre de mitrailleuses. Plus de deux cents prisonniers restèrent entre les mains de la division américaine. Ces prisonniers ont été amenés hier, sous la conduite de deux ou trois cavaliers d’escorte, au village où je suis. On les a enfermés provisoirement dans le tennis du château, derrière le frôle grillage qui, au temps des paisibles villégiatures, servait à retenir les balles de caoutchouc dévoyées par les raquettes imprudentes. Ils ne semblaient pas avoir envie de s’en aller et ne donnèrent