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Tour à tour, les divers articles étaient votés. L’un d’eux stipulait que les curés et vicaires seraient désormais nommés par les citoyens catholiques inscrits sur le rôle des électeurs cantonaux : un catholique, même non pratiquant, même hostile, devenait dès lors, dans l’Eglise catholique, un des membres du corps souverain, comme depuis 1848 un protestant, même indifférent, même hostile, était investi d’une parcelle de souveraineté dans son Eglise. L’esprit géométrique de Carteret s’éprenait de cette équivalence et montrait ainsi, une fois de plus, qu’il n’avait rien de commun avec l’esprit de finesse. D’autres articles soumettaient à l’agrément du Conseil d’Etat le mandataire éventuellement délégué par l’évêque de Lausanne pour l’administration du diocèse, et interdisaient l’érection d’un siège épiscopal à Genève. Enfin, l’Etat pouvait exiger, de tous les prêtres en fonctions, un serment de fidélité à cette loi.

Le Grand Conseil, par 77 voix contre 8, vota le projet. Parmi les 8 opposants, James Fazy se dressait. Il avait en 1848 cimenté la fraternité des catholiques avec les vieux Genevois ; il était naturel qu’il combattît une loi qui la lésait.

Cinq jours plus tard, 60 Genevois d’origine catholique décidèrent, dans une réunion, d’appeler à Genève Hyacinthe Loyson pour qu’il y fit œuvre de prêtre. Le 12 mars, il arriva. Il avait pour lui l’ascendant durable de l’éloquence, et puis cette sorte de prestige dont un certain nombre de Genevois entourent volontiers tout ancien prêtre. C’est un libéré, disent-ils, c’est une conscience fière, et son nom, la veille obscur, s’auréole d’une demi-gloire, au moins pendant la durée d’une saison. Mais lorsqu’il s’agissait de Hyacinthe Loyson, deux gloires à leurs yeux s’additionnaient : celle qu’il avait conquise au service de l’Eglise romaine, et celle qu’ils lui créaient, pour avoir cessé d’y servir. Il voyait très grand, lorsqu’il arriva ; il rêvait de mettre en branle, à l’écart de Rome, un mouvement catholique auquel les protestants orthodoxes se rallieraient. Il était tout prêt à les recevoir dans son église catholique, à lui. Il ne les pressait pas d’ailleurs, ne les invitait même pas, mais il espérait. On l’invitait, en revanche, dans certaines sphères protestantes : Bouvier, le professeur de dogmatique, lui souriait ; Turrettini, le procureur général, l’accueillait. Il se disait touché, très profondément, de rencontrer, parmi les protestants évangéliques, « les sympathies les plus