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vingtième siècle semble avoir oublié cet avertissement d’Agénor de Gasparin : les consciences règnent sur la Bible, ce qui veut dire que les intelligences ont le droit d’y faire brèche.

Mais cette conscience du catéchumène, désormais souveraine de la Bible, comment l’éveiller ? Comment la mettre en branle ? L’Eglise de Genève, ici, doit beaucoup à deux philosophes, à Kant, et puis au fils de César Malan, théologien tout différent du fougueux orthodoxe qu’était son père, et philosophe religieux d’une grande originalité. On fait constater au catéchumène, au fond de lui-même, le phénomène de l’obligation morale, indice et résultat de l’action subconsciente de Dieu ; puis on lui montre la personnalité de Jésus, en qui l’idéal humain fut réalisé ; Jésus, vivant d’une vie humaine, en pleine histoire, en plein terrain de péché, mais vivant sous le contrôle incessant et toujours accepté de l’action de Dieu en lui. Le catéchumène se reconnaîtra d’autant plus éloigné de ce modèle que sa conscience sera plus étroite, et on l’amènera peu à peu à éprouver le besoin du pardon, de la grâce, de la croix, du Saint-Esprit. Ces divers mots, du reste, demeureront souvent indéfinis : ils provoqueront des sentiments plutôt qu’ils ne représenteront des notions. Le subconscient, ayant instinctivement horreur du mal, s’éprendra d’attrait pour Jésus, le seul homme qui, dans sa vie consciente, ait réalisé pleinement ce qu’au fond de chacun de nous réclame impérieusement notre subconscient, soumis à l’autorité de Dieu. Les théories de César Malan fils, expliquant et justifiant ainsi par une origine subconsciente l’expérience religieuse consciente, dispensent l’enseignement catéchétique de tout effort intellectualiste : le pasteur cherche à faire s’éveiller, dans les nuages du subconscient, certains mystères de l’âme.

« Nous n’avons pas le même Dieu, écrivait naguère un pasteur évangélique de Lausanne, M. Secrétan, à certains de ses collègues, qui professaient une théologie latitudinariste. Ou prêcherait la doctrine de Bouddha dans nos chaires que nous n’en serions pas trop surpris. » Ce sont là les soubresauts d’un évangélisme morose, mal résigné à ses progressives défaites. Dans l’Eglise de Genève, ils ont cessé de se produire : entre les pasteurs, les polémiques dogmatiques paraissent finies. Les anciens orthodoxes sont en général devenus cordialement accueillants pour la critique. Les libéraux se sont montrés