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fournir des indications précieuses qui ont permis de tomber sur les submersibles au moment où ils se ravitaillaient, prenaient l’air, ou attaquaient en surface. Quand on entrera dans le détail de l’histoire de la contre-offensive sous-marine, on ne manquera pas de rendre hommage au labeur de ces services mystérieux qui sont parvenus, à force de patience, à renseigner exactement le commandement sur la force de l’ennemi, sur ses progrès de construction ainsi que sur les modifications incessantes qu’il apporte à sa tactique pour neutraliser les mesures offensives et défensives des Alliés.

Un système qui nous a réussi pendant longtemps est l’usage des bateaux-pièges. Un innocent cargo-boat ou un vieux voilier, est armé de batteries puissantes camouflées. Le sous-marin fond sur cette proie facile. Au dernier moment, le bateau-piège démasque ses sabords ; des équipes de pointeurs d’élite sortent des cales où ils étaient dissimulés. Une salve encadre le sous-marin. Le pirate affolé se précipite au poste de plongée… Il est trop tard, un coup au but éventre la coque qui s’enfonce verticalement. Ce sera sa dernière immersion… Le Times a raconté l’anecdote pittoresque que voici. Certain jour, un sous-marin arrêtait un cargo-boat que son équipage évacua. Il ne restait plus à bord qu’une femme portant un enfant dans ses bras et qui errait comme folle le long du pont, en criant qu’on venait de lui tuer son mari. Quand le sous-marin aborda sa prise, la femme jeta son enfant dans le panneau ouvert du submersible. La femme était un solide gars de la marine britannique travesti pour la circonstance et qui reçut plus tard la Victoria Cross ; quant au bébé, c’était en réalité une bombe, dont l’explosion provoqua la perte de l’agresseur. — En dehors de ce beau sujet de film cinématographique, Sir Eric Geddes nous a dévoilé plusieurs histoires curieuses de bâtiments-pièges. Par exemple, celle du vapeur qui, feignant d’avoir éprouvé une avarie, réclame à tous les échos du secours par T. S. F. Un navire immobilisé, désarmé, quelle aubaine pour le sous-marin ! Il y court. Au dernier moment, changement de décor, quatre bonnes pièces d’artillerie qui démasquent soudain leurs gueules envoient incontinent l’ennemi par le fond. — Que dire de cet amiral en retraite faisant la guerre par dilettantisme et qui, s’étant donné l’apparence d’un honnête transporteur de foin, évacuait docilement son navire ? Sur un signe de lui, les balles de foin