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l’avaient mise à l’ordre du jour, elle avait copieusement alimenté la bataille des partis, en lutte autour de cette formule magique, obscure et retentissante, équivoque et tentatrice, où chacun voyait ce qu’il mettait et mettait ce qu’il voulait, l’impôt sur le revenu. Mais c’est en 1907 qu’elle s’était posée avec toute son acuité. C’est en effet en cette année-là que M. Caillaux, qui depuis… mais alors était ministre des Finances dans le cabinet présidé par M. Clémenceau, — la politique a de ces ironies, — avait déposé un vaste projet portant réorganisation de l’ensemble de nos taxes directes : à l’ancien système d’impôts réels et établis sur les signes ou indices extérieures, il substituait toute une série d’impôts « cédulaires » sur les divers revenus, plus un impôt complémentaire sur le revenu « global » tous personnels et progressifs, et qui devaient former « l’instrument de libération » des finances françaises.

L’opposition avait tout de suite été très forte, dans l’opinion libérale, contre ce projet de « révolution fiscale[1], » qu’on dénonça comme un monument d’iniquité, une menace collectiviste, un facteur pernicieux de troubles économiques et sociaux. Certes, notre vieux système d’impôts, dont l’origine remonte à la Constituante, avait bien des défauts et demandait amendement. Il était obscur et compliqué. Il laissait échapper d’importants revenus imposables. Il comportait, çà et là, un système suranné de répartition. Enfin et surtout il était, — sauf exception pour l’impôt foncier des maisons, — improportionnel et injuste. L’impôt foncier des terres reposait sur un cadastre vieilli, et malgré les « péréquations, » tel département continuait à payer 7 pour 100 de son revenu foncier alors que tel autre n’était taxé qu’à 0,19 ; et de commune à commune les différences étaient pires. La contribution des portes et fenêtres, taxe sur l’air et la lumière, avait été deux fois déjà condamnée à mort. La personnelle-mobilière était presque aussi mal répartie que le foncier, et son assiette dans les communes rurales relevait, on l’a dit, de la haute fantaisie. Les patentes enfin, avec un taux moyen de 2 pour 100, voyaient ce taux varier parfois du simple au décuple. Encore ce dernier impôt avait-il été, comme le foncier des maisons, tenu relativement au courant

  1. Voyez l’article publié par l’éminent et regretté Paul Leroy-Beaulieu dans la Revue du 15 mai 1901, ainsi que l’article intitulé La Révolution fiscale, par le même auteur, dans la Revue du 1er décembre 1909.