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l’Angleterre jouit d’un revenu national annuel au moins double du nôtre, et que ce revenu national est ainsi réparti qu’elle compte proportionnellement beaucoup plus que nous de revenus moyens et de gros revenus, d’où la possibilité d’une beaucoup plus forte élévation des tarifs : c’est une richesse plus grande et plus concentrée qui fait le succès fiscal de l’income tax. Toute différente est la situation en France, et il importe de se bien persuader qu’après comme avant la réforme, les impôts direc s ne représenteront dans notre budget qu’un appoint : cela eut été vrai au temps de paix, et combien cela ne le sera-t-il pas davantage avec les charges effroyables que la guerre fera peser sur nos finances !

Quant à présent, si l’on sait ce que rapportaient les vieilles contributions directes, il est fort malaisé de savoir ce que vont produire les nouvelles. Pour les unes, la matière imposable est inconnue ou mal connue ; pour les autres, tout a changé d’un coup, assiette, bases et taux ; les exemptions et « abattements, » les détaxes de famille, ne se prêtent à aucun calcul précis ; et comment prévoir ce que sera la fraude ? Bref, on est dans l’inconnu, on ne sera fixé qu’après expérience faite, et il est regrettable que l’expérience se fasse tout d’une fois et en temps de guerre, dans le bouleversement de toutes les situations. — Notez d’ailleurs que le rendement du nouveau système présentera une variabilité inconnue sous l’ancien. Celui-ci donnait chaque année, grâce au forfait des signes extérieurs, un produit assuré, régulier ; celui-là, cherchant à suivre d’aussi près que possible les mouvements de la matière imposable, verra naturellement son apport hausser avec elle, baisser avec elle, il donnera des surprises heureuses ou de fâcheux mécomptes, et ce ne sera pas à l’avenir chose facile d’établir les prévisions d’un budget de recettes !

Ceci dit, voyons comment s’équilibre la réforme fiscale, d’après les évaluations officielles.

L’impôt global, à 12 et demi pour 100, est estimé devoir produire 250 millions. Le résultat est plus favorable qu’on n’aurait osé l’espérer[1].

Quant aux cédulaires, le projet de loi des contributions directes pour 1918 en prévoit le rendement à 431 627 818 francs,

  1. Avec le nouveau tarif progressif (de 1 et demi à 20 pour 100) que le Parlement vient de voter, le rendement est estimé devoir atteindre 370 millions.