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En somme, les divisions de réserve ont perdu le terrain conquis dans la matinée. Mais elles gardent les débouchés de l’Oise depuis Vendeuil, aux portes de la Fère, jusqu’à Berthe-nicourt et maintiennent, en ce dernier point, leurs liaisons avec le 18e corps. La bataille tombe avec la nuit ; l’ennemi ne poursuit pas.

Le lieutenant A. Kutscher nous montre ce qui s’est passé dans le camp allemand, durant cet après-midi si mouvementé :


2 heures. On nous dit que nous devons attendre, tenir à tout prix, le chemin creux (à proximité d’Urvillers en sortant d’Itancourt). Mais la distance est encore trop grande pour tirer utilement. L’artillerie ennemie bombarde fortement la nôtre à l’aile droite (c’est celle qui tire de Cerizy). La nôtre est visiblement inférieure et c’est, en une telle journée, une impression très pénible… Tard, vers six heures, nouveau mouvement à l’aile gauche (c’est-à-dire vers la route de Guise). Nous recevons d’importants renforts d’artillerie et de mitrailleuses. Nous sortons presque de la zone de feu. Devant nous, on n’observe rien de nouveau. A droite, en bas (c’est-à-dire vers la vallée, à la Guinguette), on lutte énergiquement. La partie, qui était presque perdue, change à notre avantage. Du secours nous vient du VIIe corps de l’active (c’était lui qui opérait jusque-là vers Homblières et qui peut maintenant dégarnir la route de Guise).

L’adjudant vient à nous et nous affirme que la situation s’améliore beaucoup. Des officiers d’état-major traversent librement le champ de bataille à cheval pour faire leurs observations. La journée est gagnée ; cependant, nous devons sortir et attendre des ordres. Nous cherchons les autres sections dont nous sommes séparés. Nous enterrons nos morts sous le poirier. On s’efforce de regrouper le régiment dispersé. Après une heure, l’adjudant nous appelle. Le régiment se réunit à l’entrée Est d’Itancourt. Nous abandonnons nos creux et rejoignons ce qui reste de troupes… Les cuisines arrivent. Nous dormons là après avoir avalé une portion de soupe…


Ce récit prouve que, non seulement le Xe corps de réserve n’a pas pris la poursuite mais qu’il n’a même pas abordé les hauteurs qui dominent la rive droite de l’Oise.

Complétons, d’autre part, l’exposé de la journée, du côté français, par les impressions du sergent André Viénot ; il raconte les incidents de la retraite avec une franchise à la fois parisienne et militaire :