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assez d’héritiers directs, avait fait l’objet dans ces dernières années de bien des propositions, au Parlement. L’une des dernières, celle de M. Bokanowski, était l’une des plus pernicieuses : dans toutes les successions qui ne seraient pas déférées à quatre enfants au moins, l’État aurait droit, en qualité d’héritier et à titre de réserve, à la part d’un enfant légitime. L’État héritier ! Regardez-le : il fait mettre les scellés, il participe aux inventaires, ouvre les livres, intervient dans les affaires de famille ; il prélève sa part sur l’héritage, moitié s’il n’y a pas d’enfant, un tiers s’il y en a un, un quart s’il y en a deux ; peu à peu, dans l’impossibilité de liquider, il devient copropriétaire, donc cogérant, des patrimoines privés, des fonds de terre ou de commerce, des industries !… Voyez à quelles monstruosités aboutissait un tel projet dont les aspirations ultra-socialistes se dissimulent mal sous l’honnête formule d’encouragement à la natalité.

Notre nouvelle taxe successorale ne va pas jusqu’à cette extravagance. Est-elle pour cela bien juste ? On veut « pénaliser » la famille incomplète : mais notez que, dans la famille incomplète, ce sont les héritiers qu’on frappe, et qui n’en peuvent mais, au lieu des auteurs, volontaires ou non, du mal à combattre ; notez aussi qu’on ne tient pas compte, dans le nombre des héritiers, des enfants prédécédés et non représentés, de ceux que l’accident ou la maladie a ravis aux parents, déjà grands peut-être, mais avant qu’ils n’aient eux-mêmes procréé la vie. On entend restaurer l’équilibre fiscal entre les grandes familles et les autres : soit ! Mais si celles-ci sont surchargée ? , nous ne voyons pas que celles-là soient déchargées, comme l’équité le demanderait, à proportion du nombre de leurs enfants au-dessus de quatre. On désire enfin favoriser la natalité : vœu platonique ! La menace d’impôt posthume sera sans effet sur les parents calculateurs qui (pour ne pas sortir du point de vue matériel) auront toujours plus d’avantage à « faire un aîné » qu’à donner à cet aîné beaucoup de cadets. Au vrai, c’est de fiscalité et non de natalité qu’il s’agit ici. Qu’on nous dispense de croire à la repopulation par l’impôt !

Pour en revenir au point de vue fiscal, nous constaterons que la taxe successorale jointe aux droits de succession surélevés fait dans l’ensemble un impôt extrêmement lourd. En gros, il y a, par rapport à l’état de choses antérieur, doublement des