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tous les déplacements de valeurs. À chaque passage d’argent, l’Etat percevrait un péage ; n’est-ce pas son droit, puisqu’il est pour ainsi dire invisible et présent dans chacune de ces transactions qui ne tirent leur force que de l’armature légale, de l’appareil judiciaire, de l’organisation, en un mot, du corps social ? Pierre qui route n’amasse pas mousse : l’argent qui circule apporterait au moins des recettes au Trésor. Et des recettes considérables : on calcule que le montant total des paiements approche en France de 400 milliards par an. Associé à l’activité des transactions, le Trésor verrait ainsi ses rentrées suivre pas à pas les progrès de la richesse dans le pays. Sans doute, des distinctions s’imposeraient. Sous ce terme de transactions se mêlent toutes sortes d’opérations dont la portée économique est aussi différente que le caractère légal, et qu’on ne saurait mettre sur le même pied devant l’impôt. Elles peuvent être civiles, ou commerciales ; tantôt elles résulteront de contrats, tantôt elles représenteront un paiement au sens juridique, une extinction de dette ; capitaux ou revenus, ventes en gros ou au détail, matières premières ou produits ouvrés, leur objet peut varier à l’infini : il importerait que tout cela ne fut pas confondu, fiscalement parlant. C’est assez dire que l’idée fort séduisante d’imposer les transactions, ou même seulement les dépenses, n’est guère facile à mettre on pratique.

C’est au reste ce que montre l’expérience. Nous disions qu’elle est nouvelle ? Oui, dans notre monde nouveau. Mais comme toutes les idées justes, on en retrouve l’origine jusque dans les temps très anciens. Excusons-nous du pédantisme : jusque dans l’Égypte des Ptolémées. Au temps d’Épiphane et de Philométor, tout achat, toute vente subissait en Égypte une taxe (Τέλος ὠνῆς) du vingtième, plus tard du dixième. Voici même un fait curieux. Comme les droits de succession, — il y en avait déjà ! — étaient d’un taux plus fort que la taxe sur les achats et ventes, on cherchait à échapper par celle-ci à ceux-là ; ainsi lit-on dans un vieux texte qu’IHrus Choachyle des Memnonies vendit, à soixante-dix ans, ses propriétés à ses enfants, sa maison étant réservée à sa fille Tagès, le tout pour la somme minime de deux talents : les fraudes successorales ne datent pas d’hier ! — De la terre des Lagides, l’idée passa à Rome ; on sait que l’Égypte fut pour bien des choses l’école de César, comme l’Inde avait été celle d’Alexandre ; d’ailleurs, un