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Elle ne les frappe que quand ils sont constatés par un titre, acquit ou reçu, le Parlement s’étant refusé, de crainte de bouleverser les habitudes du public, à décréter l’obligation de la quittance ; ce qui fait que la taxe reste en un sens facultative. Y a-t-il titre ? La taxe est due. Pas de titre ? Pas de taxe. Il y a là dans les mailles du filet un large trou où passe le poisson, petit ou gros, et qui vaut, dit-on, une perte de 90 millions par an au Trésor ; on devra commencer par le boucher, le jour où on voudra faire œuvre sérieuse.

Puis il a créé une taxe sur la dépense privée, au même taux, — très modique ici, — de vingt centimes pour 100 francs. Elle atteint tous les achats faits au détail ou à la consommation, — marchandises ou fournitures, — qu’il y ait titre ou non, sous cette réserve qu’en l’absence de titre les paiements de moins de 150 francs seront quittes de droits, ce qui revient à l’exemption des achats de première nécessité.

Ces deux taxes ne rapporteront que peu d’argent au Trésor, 240 millions par an, croit-on, ce qui n’est guère eu égard à l’énorme masse de la circulation en France. Paiements civils, dépenses privées, leur base est bien réduite. Il faudra les renforcer et les développer, pour y trouver une large ressource d’avenir. A dire vrai, nous sommes bien loin encore d’une pleine réalisation de l’idée féconde qui semble avoir inspiré le ministre ; ce ne sont ici que des esquisses fiscales, dont il devra poursuivre l’exécution en se dégageant des formes anciennes dont son œuvre étriquée garde trop l’empreinte.

Mais il a tiré de l’impôt sur la dépense un corollaire, — la taxe sur le luxe, — dont l’importance a tout de suite passé au premier plan. Dans la masse des dépenses privées, il a mis à part les dépenses de caractère somptuaire : achats d’objets de luxe, — une double liste en a été dressée, la première comprenant les objets qui sont de luxe par nature et destination, et la seconde ceux qui sont considérés comme de luxe quand leur prix dépasse un certain minimum ; — puis dépenses faites pour le logement, la nourriture ou la boisson dans des établissements dits de luxe, et classés comme tels dans chaque département par une commission spéciale, sous, réserve d’appel à une commission centrale à Paris. Sur ces achats ou dépenses de luxe, l’impôt n’est plus de 0,20. mais de 10 pour 100 : le saut, on le voit, est énorme. C’est de cette taxe sur le luxe