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ceux qui le veulent bien ; il ne peut être perçu, dit St. Mill, « sans une coopération consciencieuse du contribuable, peu à espérer dans le relâchement moral de la société actuelle. » N’est-il pas caractéristique qu’on escompte péniblement en France 370 millions de l’impôt global sur le revenu, alors qu’on en espère (avec quelque optimisme d’ailleurs) 912 de la taxe du luxe, qui frappera sensiblement les mêmes 350 à 400 mille individus ? — Plus facilement productifs sont les impôts sur les consommations ; leur limite de charge, si l’on peut dire, est plus élevée. En dehors de ceux qui frappent les nécessités, le paiement en est à demi volontaire, car on peut au besoin s’abstenir de l’achat taxé, et à demi inconscient, car la part du fisc n’apparaît pas sur la note. N’est-il pas d’ailleurs dans l’intérêt de la communauté de frapper la consommation plutôt que la production, la dépense plutôt que l’épargne, ce qui nuit au pays plutôt que ce qui lui profite ? Sans doute ils tendent, en ces temps de vie chère, à renchérir encore la vie. Mais où trouvera-t-on des impôts, — les droits de succession à part, — dont ce ne soit là l’effet, par une incidence plus ou moins dissimulée ? Les impôts directs n’agissent-ils pas le plus souvent à cet égard comme des indirects ? Si forte est la hausse actuelle des prix qu’en vérité l’impôt s’y perd, s’y noie…

Bien avant la guerre, l’un des plus chauds partisans de l’impôt sur le revenu, le professeur Seligman, de New-York, constatait déjà, non sans mélancolie, que les impôts de consommation, dont la place était partout prépondérante, avaient seuls rendu possible le développement du monde moderne. Il faut aujourd’hui qu’ils aident à son relèvement ! À côté des impôts sur la richesse, ils sont plus que jamais indispensables ; s’ils exemptent le nécessaire et surtaxent le luxe, ils ne sont pas injustes, et ne méritent pas l’exclusive, — d’ailleurs théorique, — que leur ont donnée nos doctrinaires du socialisme.


VI

Si la nécessité de refaire un budget a largement contribué à favoriser, à stimuler l’effort fiscal, ce n’est toutefois que grâce à l’amplitude de cet effort que la France a pu entreprendre l’œuvre essentielle de sa reconstruction budgétaire. De cette œuvre, où elle vient de recueillir le premier fruit de ses