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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/38

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« directives » des Allaires étrangères ne sont pas toujours pareilles à celles de la Marine ou de la Guerre. Avec une admirable discipline, les journaux reproduisent tout ce qu’on leur ordonne de publier, mais ils sont ainsi forcés à d’étranges contradictions.

Pendant la longue lutte que Bethmann-Hollweg eut à soutenir contre les pangermanistes, on lut souvent dans la même feuille des articles de provenances diverses et de tendances opposées. Si docile que fût l’opinion, elle finissait par s’effarer. Quand, débarrassés de Bethmann-Hollweg, Hindenburg et Lüdendorff eurent placé à la chancellerie Michaelis, leur créature, ils s’empressèrent d’unifier les « services de presse » en les mettant tous sous l’autorité d’un chef qui relevait de la chancellerie, c’est-à-dire du Grand Quartier. « Seul responsable de toute la politique impériale aux termes de la Constitution, le chancelier doit avoir la possibilité d’exercer une influence régulatrice sur la façon dont sont exposés officiellement au public la nature, les motifs, les aspects et les conséquences de la politique impériale. » En annonçant la nomination de ce chef de la presse, la Norddeutsche Allgemeine Zeitung (4 septembre 1917) ajoutait, bien entendu, qu’il s’agissait d’informer la presse et non de la diriger, que d’ailleurs ce nouveau fonctionnaire aurait l’occasion d’accomplir le travail le plus utile dans l’intérêt des journaux eux-mêmes. Une organisation allemande est toujours destinée à faire le bonheur de ceux qu’elle opprime.

Les grands industriels ont libéralement apporté leur concours à cette exploitation de la presse. Déjà des journaux étaient inféodés à de grandes entreprises, comme la Rheinisch-Weslfælische Zeitung, organe de la maison Krupp, la Kœlnische Volkszeitung, la plus pangermaniste des feuilles catholiques, propriété de Thyssen. En 1917, un consortium d’industriels fonda la Société d’édition de la nouvelle Allemagne au capital de deux millions de mark pour acheter la Deutsche Zeitung de Berlin. En même temps, des revues comme le Panther et les Suddeutsche Monalshefte passèrent aux mains des pangermanistes, et des publications, comme la Deutsche Erneuerung et la Wirklichkeit, étaient créées pour soutenir la même politique. Krupp. Hugo Stinnes et Louis Hagen se rendirent acquéreurs du plus répandu des journaux de Berlin, le Lokal Anzeiger.