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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/385

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nouveau, mais cette fois pour un plus long voyage. L’année précédente, Guillaume Ier s’était rendu sur la frontière russe, près de Varsovie, afin de saluer Alexandre II. C’est cette visite qu’Alexandre III allait lui rendre à Dantzig où l’armée allemande procédait, en présence de l’Empereur, aux grandes manœuvres d’automne. La démarche du Tsar n’avait pas d’autre but et l’entrevue rapide des deux souverains conserva le caractère purement familial qu’ils avaient tenu à lui donner, ainsi que le prouvait l’absence de leurs chanceliers. Mais, à peine de retour, Alexandre écrivait à François-Joseph : « J’ai été très heureux de revoir l’empereur Guillaume, notre vénérable ami auquel nous unissent des liens communs de cordiale affection. » Le choix de ce confident, la manière dont il lui parle du vieux souverain qu’il vient de quitter et l’accent de la lettre dans laquelle il se félicite de l’avoir revu, tout démontre qu’il avait fait litière de ses ressentiments contre l’Allemagne et contre l’Autriche et qu’à cette heure, il considérait comme une condition de salut la reconstitution de l’union des trois empereurs qui, depuis le Congrès de Berlin et la conclusion de l’alliance austro-allemande, n’existait pour ainsi dire plus.

Durant les années qui suivront, on le verra constamment animé du désir de resserrer les nœuds de cette union, mais souvent arrêté dans ses élans par les preuves de malveillance plus ou moins dissimulée qu’il devine dans l’attitude du cabinet de Berlin et dans les intrigues du cabinet de Vienne à l’égard de la Russie. De là, les nombreuses contradictions qu’on relève dans sa conduite, comme lorsqu’il entre dans l’alliance austro-allemande sans se dissimuler qu’il n’est pour celle-ci qu’un ami du second degré. Maintes fois, des conflits, qui d’ailleurs restent le plus souvent dans le domaine diplomatique, éclatent entre son gouvernement et celui de Berlin, et s’apaisent grâce aux relations affectueuses qu’il ne cesse d’entretenir avec l’empereur allemand. Ces incidents ont été trop souvent racontés et sont trop connus pour qu’il y ait lieu d’y revenir dans un récit qui ne se targue pas d’être l’histoire totale d’un règne mais simplement un recueil de notes et souvenirs, à travers lesquels on peut voir par quelles transformations successives, Alexandre III a été conduit à se détacher de l’Allemagne et à se rapprocher de la France.

Assurément, en ces derniers mois de l’année 1881 et en