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UNE RELÈVE
(MARS 1917]
II[1]


VII. — LE KAISER A DÉMISSIONNÉ[2]

Ce téléphone, devant lequel l’un ou l’autre de nous se tient de garde nuit et jour, est une voix presque éteinte. Depuis qu’on a trouvé des moyens très faciles pour surprendre ses secrets, ce fil, qui fut un moment si bavard, est devenu presque inutile et n’apporte dans notre cave que quelques mots de convention, pour les besoins du secteur. A midi, je reçois l’heure officielle et la transmets au commandant qui habite la cave voisine. Toutes les deux heures, je communique au colonel le nombre des obus tombés sur nos tranchées ou dans les parages du poste. A quatre heures, je signale la vitesse et la direction du vent. Le reste du temps, rien à faire. Parfois, un obus trop rapproché vient souffler notre bougie. Un autre brise notre ligne, et nous sortons dans les boyaux, pour aller la réparer, suivant le fil, des yeux quand il fait jour, de la main quand il fait noir, jusqu’au point de la tranchée où l’éclatement a tout rompu. Souvent, sur les onze heures du soir, un grand vacarme de canons, de fusils et de mitrailleuses. Puis le calme revient. On s’imagine que le matin va nous donner la raison de ce tapage, mais le plus souvent la nuit emporte avec elle le mystère de son bruit. Si c’est notre régiment qui a été attaqué,

  1. Voyez la Revue du 1er novembre.
  2. Ecrit en 1917.