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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/42

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la chaire et parla. Ce qu’il dit alors importe peu ; les mots étaient presque indifférents. Mais quiconque a été témoin de cet acte, est resté sous le coup de l’émotion. N’eût-il pas été l’Empereur, il eût soulevé l’assemblée. Il termina par une brève exhortation aux étudiants : évoquant 1813, il leur assigna comme devoir de s’unir dans une commune aspiration au droit, à la liberté et à l’indépendance. Et ce fut la fin. Le Recteur se présenta, il avait à dire quelque chose, il le dit, et personne ne l’écouta. Tout était terminé, rien n’intéressait plus. L’Impératrice parut un instant déconcertée, puis le couple impérial se retira. Jamais je n’ai vu pareil accord des sensibilités, pareil sérieux ; jamais, pour mieux dire, je n’ai vécu dans une telle atmosphère d’énergie.


Une sourde, mais irrésistible volonté de faire la guerre possédait dès lors toute l’Allemagne.

Un incident imprévu, vint pousser les pangermanistes à redoubler d’efforts. L’affaire de Saverne ayant causé l’indignation des politiciens libéraux et socialistes, le Reichstag s’avisa de blâmer le chancelier, — manifestation inoffensive et sans conséquence. Puis, le dernier jour de la session, le 20 mai 1914, les socialistes refusèrent de se lever pour acclamer l’Empereur. Ce n’était qu’un feu de paille. Les pangermanistes crurent ou feignirent de croire que c’étaient les premières lueurs d’un incendie. Dans les deux mois qui suivirent, ils menèrent leur campagne avec un acharnement extraordinaire. Aux derniers jours de juillet, ils étaient maîtres de l’Allemagne, maîtres de l’Empereur, maîtres de l’opinion.


LA DÉCLARATION DE GUERRE

La guerre fut saluée dans tout l’Empire par d’incroyables transports d’enthousiasme.

Le 1er août, la Tægliche Rundschau écrivait : « Encore pas de mobilisation en Allemagne !… Nous attendons tous l’ordre de mobilisation comme une délivrance ! » Et la Rheinisch-Westfælische Zeitung : « Si l’on nous appelle aux armes, il s’agit de donner enfin libre cours à cette sourde colère nationale qu’ont accumulée depuis tant d’années, tant d’humiliations et d’outrages, les insolentes atteintes à notre honneur que les Français se sont permises, leurs attentats à notre tranquillité dans notre propre maison, surtout en Alsace-Lorraine,