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des cathédrales sous le coup des inéluctables nécessités de la guerre, qu’elle est pleine de respect pour les traités et de sollicitude pour les neutres, que la Belgique était depuis longtemps liée à l’Angleterre par des traités secrets et n’avait, après tout, qu’à laisser amicalement passer les Allemands sur son territoire, — on devine que ces discours s’adressent surtout à l’étranger. Néanmoins, ils ne sont pas tout à fait perdus pour le « bon moral » de l’Allemagne, ils rassurent sa conscience. Celle-ci d’ailleurs s’apaise à peu de frais, on s’en apercevra quand il s’agira du torpillage de la « Lusitania, » des raids des Zeppelins sur Londres, de l’emploi des gaz asphyxiants et de la guerre sous-marine.

L’Allemagne est invincible. — Voilà le dogme essentiel, celui sur lequel repose toute la force morale de la nation. Le jour de la déclaration de guerre, la certitude de la victoire était générale, absolue, inébranlable. Pour l’entretenir, les dirigeants usèrent d’une méthode qui, dans tout autre pays que l’aveugle et crédule Allemagne, eût été hasardeuse : ils exagérèrent les victoires et cachèrent les défaites. Ce fut l’œuvre de l’Etat-major général de l’armée. Le colonel Feyler, dans ses Avant-propos stratégiques, a si bien analysé cette manœuvre morale, il a exposé, avec un tel luxe de preuves, le système de mensonge et de dissimulation suivi par les auteurs des « communiqués » allemands, qu’il est superflu de revenir sur cette démonstration. Du 10 au 14 septembre 1914, les communiqués officiels furent muets. L’Allemagne ignora donc la bataille de la Marne. Tout ce qu’elle sut, dans les jours qui suivirent, ce fut qu’après une pointe dans la direction de Paris, ses armées se battaient sur l’Aisne, « conformément au plan de l’Etat-major. » Six mois après, on lira dans la Frankfurter Zeitung (1er février 1915) : « Nous avons pris Liège, Namur, Maubeuge et remporté la grande série des victoires du mois d’août. La campagne eût été désastreuse pour les Français si le généralissime Joffre, qui, indubitablement, est très capable, n’avait pas réussi sur son aile gauche des mouvements tournants qui restèrent à l’état de tentatives, mais qui conduisirent, vers la mi-septembre, à la guerre de positions. Que le plan hardi des Allemands n’ait pas réussi entièrement, c’est un de ces hasards qui arrivent aux plus grands capitaines. Pour le résultat final, cela n’a pas d’importance. » Le 16 septembre de la même année, le