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d’un seul mouvement, irrésistible, vertigineux, jetaient à l’abîme les débris des Empires.

Nous en étions restés, dans la suite des entretiens de M. Wilson.

avec le prince Max de Rade, sous le couvert des secrétaires d’État, Mme Lansîng et le docteur Solf, à la troisième note du gouvernement allemand, celle où, réflexion faite et délibération prise, il emboursait, en somme, le double soufflet. Sur cette troisième note, l’avis général, même et principalement aux États-Unis, était que le Président n’avait plus à répondre. Il a néanmoins répondu, ou plutôt il a conclu. Nettement, presque brutalement, il ne s’y trompait pas : « Ces paroles, avouait-il, sont dures; mais il n’y a pas à essayer de les adoucir. Il n’y a rien à gagner en taisant cette chose essentielle. »

Ces paroles sont dures, surtout quand on les isole du contexte un peu abondant qui les environne comme l’eau entoure le rocher. Telle est la manière d’écrire, si personnelle, du Président Wilson que, même ces roches aux arêtes coupantes, il les enveloppe, en quelque sorte, d’un voile de brume, et qu’on ne les voit que lorsqu’on est dessus. Même ces choses essentielles, qu’on ne gagnerait rien à taire, il les laisse entendre plusieurs fois, avant de les dire une bonne fois; mais, lorsqu’il les dit, elles sont dites, et cette fois est vraiment la bonne. De là, les impressions successives et souvent contradictoires que l’on ressent à lire les textes sortis de sa plume : il arrive que, d’abord on hésite, on s’étonne; puis on est frappé, saisi; on approuve, et on admire. C’est ce qui est arrivé pour cette dernière réponse, partout ailleurs qu’à Berlin. A Berlin comme partout on est saisi, et, dans la plénitude du terme, « frappé. » Va-t-on se retrancher dans le silence, suprême refuge de la dignité blessée, sépulture honorable de l’orgueil mort? Nullement, on réplique encore. C’est un cri? Pas du tout : c’est un ergotage, ce sont des arguties, c’est une accumulation d’assurances menteuses. L’Allemagne continue de parler « la main sur la conscience. » Elle le jure, dans une affreuse odeur de faux serment : elle n’est plus la même Allemagne: elle est devenue, en moins d’une semaine, tout justement cette Allemagne libérale, constitutionnelle, démocratisée, démilitarisée, « désimpérialisée, » que le Président des États-Unis réclame. Elle s’est donné « un gouvernement national auquel tous les pouvoirs civils et militaires sont subordonnés. » Ce gouvernement national attend « les propositions de l’armistice qui sera le premier pas vers une paix équitable telle que le Président l’a décrite dans ses proclamations. »

Prenons garde : la phrase finale doit être regardée à la loupe.