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LE RHIN FRANÇAIS

« Quelle est cette magnifique bâtisse ? — C’est le château des Papes. — Comment des Papes ! Vous ne me ferez pas croire qu’il y a eu des papes à Avignon. — Mais si, je vous assure. — Allons donc ! S’il y avait eu des papes à Avignon, ça se saurait. » Le dialogue est célèbre ; on en sourit.

Or, il y a cinq ans, j’entendais à peu près ce « ça se saurait » et, — chose piquante, — dans la bouche d’un licenciées lettres tout frais émoulu d’une de nos Universités. Il ne s’agissait point à la vérité des papes d’Avignon, mais d’un préfet français de Mayence. « Comment, se récria ce jeune homme, il y a donc eu des préfets français à Mayence ? — Mais certainement, comme à Aix-la-Chapelle, comme à Cologne, comme à Trêves, — comme à Metz, Strasbourg et Colmar. Ils ne faisaient d’ailleurs que reprendre la place des légats romains et des comtes francs dans des pays qui, tout autant que l’Alsace et la Lorraine, peuplés par notre race, civilisés par nos lois, cultivés par nos bras, avaient été pendant huit siècles notre domaine. Et ce sont même ces vieux souvenirs qu’invoquaient les Rhénans lorsque, entre 1792 et 1795, Georges Forster de Mayence et Joseph Görres de Coblence en tête, ils nous suppliaient de les réunir à la grande communauté celto-latine-franque. » Le regard du jeune homme m’assaillit ; j’y lisais la crainte d’être mystifié et plus d’incrédulité que d’intérêt. Et j’admirais à quel point notre enseignement avait, depuis 1871, cessé d’être national, puisque ce Français, pourvu de deux diplômes, ignorait qu’après Auguste et Charlemagne, Hoche jet Napoléon eussent gouverné la rive gauche du Rhin. Finalement, — ce