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demi, molliraient, par le patriotisme français, combien le Rhin était la limite de la nationalité française ; il les fallait imiter.

La Convention, nouvellement constituée, hésitait, à la vérité, à proclamer la réunion ; elle contenait en son sein plus d’un de ces tenants des anciennes frontières et de la plus petite France à qui Danton allait, avant six mois, impétueusement répondre. Elle envoya des commissaires, tous Lorrains et Alsaciens, Merlin (de Thionville), Rewbell (de Colmar) et autres, qui entrèrent en relation avec la « République de Mayence. » Le mouvement se heurtait, dans les couches profondes, à la peur qu’inspirait le retour possible des anciens maîtres « louions » et de leur vengeance. Par ailleurs, il le faut bien dire, de grandes maladresses avaient été commises. Les provinces rhénanes, profondément catholiques, avaient été offusquées de l’irréligion affichée des conquérants : la présence dans le gouvernement provisoire de Mayence d’un Drosch, prêtre du pays qui, au su de tous, n’aurait défroqué que pour épouser sa maîtresse, eût suffi à froisser.

Cependant, aux élections de février 1793, la grosse majorité s’était prononcée pour la réunion à la France ; en attendant qu’on l’obtînt, une Convention réunie le 17 mars proclamait, le 18, rompre le lien des pays rhénans avec l’Empire et députait à la Convention nationale, pour obtenir la réannexion à la mère patrie. C’est alors que Danton prononça le fameux discours dont j’ai cité quelques phrases et enleva le vote de la réunion[1]. Derrière le tribun enflammé, il y avait la résolution du Comité diplomatique exprimée par Carnot ; on sait déjà que, tout en n’entendant point se prévaloir des droits anciens, mais seulement du droit des nations à disposer d’elles-mêmes, le Comité n’hésitait pas à rappeler le passé et à affirmer « qu’il n’y aurait nulle ambition à reconnaître pour frères ceux qui le furent jadis. »

À cette heure, on perdait, — momentanément, — la rive gauche. Les troupes allemandes se jetant de toute part sur nos conquêtes de 1792 nous en expulsaient : Mayence, dernière place où tiennent les Français, capitula le 24 juillet 1793.

Au fond, rien ne pouvait mieux servir nos intérêts que cette apparente disgrâce. Prussiens et Autrichiens arrivaient

  1. Cf. À ce sujet, mon livre sur Danton (Hachette 191 i), pp. 210-212.