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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/529

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LES PREMIERS MOIS DE LA DICTATURE MILITAIRE

Le premier soin des généraux est de ressaisir l’opinion et, pour cela, de reprendre les journaux en main. Les querelles violentes qui ont abouti à la chute de Bethmann-Hollweg ont compromis la discipline de la presse. De source toujours officielle, les journaux ont reçu trop de communications contradictoires. Le public déconcerté cherche des guides et ne les trouve plus. Il faut, avant tout, faire cesser ce gâchis, rétablir l’ordre troublé par les rivalités des bureaux. D’ailleurs, quelques semaines plus tard, un « chef de la presse » sera nommé afin de soumettre les services de presse des différentes administrations au contrôle de la Chancellerie, c’est-à-dire du Grand Quartier.

C’est une rude tâche de relever alors le moral de l’Allemagne. Depuis dix-huit mois, il suit une courbe descendante. En ce mois de juillet 1917, il est tombé si bas que les dirigeants peuvent redouter un désastre. La débandade des armées russes en Galicie calme l’anxiété qu’a provoquée la dernière offensive de Kerenski ; mais jamais la disette n’a été aussi cruelle. La « soudure » entre les deux récoltes se fait plus difficilement encore que les années précédentes. Le peuple voit avec une profonde douleur les cloches des églises portées à la fonte. L’état sanitaire est détestable. La guerre sous-marine ne donne pas les résultats promis et attendus. La France continué de manifester une telle haine contre l’Allemagne qu’il faut renoncer à tout espoir d’une paix séparée. Les révélations du Times sur le conseil de Potsdam du 5 juillet 1915 posent de nouveau la troublante question des origines de la guerre. Enfin, les discours des hommes d’Etat français et les articles des journaux anglais forcent les Allemands à constater que la reprise de l’Alsace-Lorraine reste le premier des « buts de guerre » de l’Entente, et que par suite la paix est encore éloignée.

La presse s’efforce de dissiper ces inquiétudes. Elle a réponse à tout. — La disette ? Quelques mauvaises semaines sont bientôt passées ; la prochaine récolte s’annonce très abondante. — La guerre sous-marine ? Il ne faut pas prendre au sérieux les statistiques de l’amirauté anglaise, et, grâce à des calculs embrouillés, on prouve aux sceptiques qu’avant peu