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ministère des Affaires étrangères et le Haut Commandement. Aux socialistes qui se plaignent de l’ingérence des généraux dans les affaires politiques de l’Empire, on fait cette réponse péremptoire : « Ce sont les armes allemandes qui ont amené la ruine de la Russie. Elles ont accompli cet exploit extraordinaire. Sans elles, la débâcle russe était impossible. Elles ont abattu et brisé le colosse qui pesait comme un cauchemar sur l’univers. » (Neue Badische Landes-Zeitung, 30 novembre 1917.)Conclusion : que les diplomates se gardent bien de compromettre l’œuvre des militaires. Et aussitôt on prépare l’opinion à cette grande offensive qui doit mettre hors de cause les armées anglo-françaises.


LES PROJETS D’OFFENSIVE SUR LE FRONT OCCIDENTAL

Le 9 décembre, le Grand Quartier fait paraître dans la Frankfurter Zeitung un long article sur la situation militaire qui contient tout le programme de la future campagne. Il faut en citer quelques passages. C’est le canevas sur lequel la presse va broder durant les semaines qui suivront :


La tournure qu’ont prise les derniers événements et qui est pleine de promesses, met à la disposition des Puissances centrales d’importantes réserves stratégiques. L’armée austro-hongroise qui, pendant la guerre, a acquis un haut degré d’instruction et d’armement, peut nous prêter un concours particulièrement important. La situation des alliés est encore favorisée par le fait que la « catastrophe vénitienne » a, comme nous l’avons montré, causé une perte de 400 000 hommes, d’où il résulte une brèche dans le front des Puissances occidentales : elle devra être comblée et l’est déjà à moitié sans doute.

Les Américains n’ont débarqué en France, jusqu’ici, que de faibles effectifs et surtout des troupes techniques. Au cours des prochains mois, ils enverront sans cesse, il est vrai de petits détachements, mais ne fourniront pas une armée ayant les qualités combatives nécessaires pour tenir un front. Une bonne partie de l’été se passera avant que l’Amérique puisse concentrer une armée entière. Encore est-il que celle-ci, composée de braves guerriers magnifiquement équipés, sera sans doute insuffisante au point de vue d’un emploi stratégique. Kitchener avait compté pour l’entraînement de ses contingents deux bonnes années ; or, les Anglais ont appris la tactique, mais ils n’ont pas encore pu se familiariser avec la stratégie.