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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/54

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Ces mois de l’été 1915 ne sont pour les Puissances centrales qu’unie suite de triomphes militaires : victoire en Galicie et en Pologne, victoire en Courlande et en Lithuanie : victoires, il est vrai, partout inachevées, puisque les armées russes ont pu se soustraire aux étreintes de l’adversaire ; mais le nombre des prisonniers et l’abondance des trophées permettent aux Etats-majors de dissimuler la réalité. Les résultats de l’offensive française en Champagne ont un instant déconcerté l’opinion, mais on a vite fait de lui expliquer qu’il s’agit là d’un succès « purement tactique, » que l’offre a dû engager les trois quarts de ses divisions et dépenser des millions d’obus, qu’en somme cette offensive a été arrêtée, que le front n’a pas été percé et que la France est bel et bien épuisée. Et aussitôt on détourne l’attention sur les événements de Serbie.

Là, Mackensen est vainqueur. Les Bulgares gagnent bataille sur bataille. L’armée serbe s’enfuit, abandonne ses canons : elle est anéantie. Nul doute que la Grèce et la Roumanie ne se joignent bientôt aux Puissances centrales. Alors s’offrent à l’imagination populaire des perspectives illimitées. Les Empires du centre sont maîtres de la route vers Constantinople, de la voie qui « du cœur de l’Europe conduit aux sources de l’Asie. » Déjà l’on envisage les conditions de la future campagne d’Egypte. On promet aux commerçants l’exploitation des trésors de l’Asie Mineure. De Hambourg à Bagdad, l’Allemand sera chez lui. Les portes de l’Orient lui sont ouvertes. C’est un rêve des Mille et une Nuits.


LE PARTI DE LA GUERRE ET LE PARTI DE LA PAIX

A l’heure même où l’écrasement de la Serbie met en branle toutes les cloches de l’Empire, voici qu’apparaissent en Allemagne les premiers signes d’un état d’esprit bien différent de l’universel enthousiasme qui régnait depuis la déclaration de guerre. Les rumeurs de paix, qui déjà s’étaient répandues en avril, circulent de nouveau. Cette fois, on ne peut s’y méprendre, l’idée de la paix commence à hanter les imaginations. La presse est tout de suite chargée de combattre ces illusions dangereuses : pour traiter, dit-elle, il faut être deux, et l’ennemi semble moins que jamais disposé à négocier ; une paix prématurée serait une paix incomplète, et