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sauront tirer un parti raisonnable des exploits de ses soldats. »

Les dirigeants voudraient que le peuple crût à cette paix prochaine. Au moment même où les troupes allemandes parviennent à Château-Thierry et où les communiqués annoncent 45 000 prisonniers, le Chancelier commence « une offensive de paix » Cette manœuvre vise d’abord la France que l’on dit tout à fait démoralisée. (Le gouvernement part pour Bordeaux ; Clemenceau va tomber ; Foch est disgracié, etc…) Mais On se flatte aussi de calmer les impatiences de l’opinion allemande…

La manœuvre échoue, la France tient bon, Clemenceau reste au pouvoir, les Allemands ne peuvent dépasser Château-Thierry.

L’opinion est encore plus troublée qu’auparavant, car elle commence à se douter que l’intervention des États-Unis pourrait lui réserver de fâcheuses surprises. Des Américains viennent d’apparaître sur le champ de bataille, et ce ne sont pas des soldats à peine instruits, bons pour la défense d’un « secteur tranquille, » mais de véritables troupes d’attaque. Les correspondants de guerre s’en tirent d’abord par des plaisanteries : on n’a aperçu, en tout et pour tout que trois automobiles blindées américaines, on en a détruit deux, on s’est emparé de la troisième, « produit remarquable de la science des ingénieurs américains, » et l’on s’en est servi contre les Français ; sur le terrain conquis, on a, il est vrai, rencontré des traces plus nombreuses d’américanisme ; des batteries lourdes, des parcs d’automobiles, des ambulances, des « foyers du soldat, » des dépôts de cartes postales : voilà tout le « secours américain. » Quelques jours plus tard, il faut cependant reconnaître que de. Américains, « forts peut-être d’une division, » ont attaqué à l’Ouest de Château-Thierry, mais on conte qu’ils ont été battus sans peine, battus à plate couture. Puis paraissent des communiqués américains qui annoncent de « prétendues » victoires, et la nouvelle vient de Washington qu’il y aurait 500 000 hommes en France. A quoi le général Liebert répond dans la Tægliche Rundchau du 10 juin : « Ce chiffre est naturellement comme tout ce qui est américain du bluff (ils y tiennent), de la réclame, de l’exagération. Il parait qu’un très nombreux personnel technique aurait déjà été transporté sur le continent. Depuis un certain temps, il est vrai, des régiments américains ont été répartis dans les tranchées françaises, mais