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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/553

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arrière : l’Allemagne doit aller jusqu’au bout de son destin. Elle y va lasse, anxieuse, d’autant plus anxieuse que les journaux lui parlent avec moins d’assurance du bluff américain, ajoutant, il est vrai, pour la réconforter, que l’intervention des États-Unis ne changera pas la décision finale et ne fera que la retarder. Or, ce qu’elle veut, ce qu’elle réclame d’une voix presque gémissante, c’est une décision immédiate, c’est la paix.

Il faudra se rappeler cet état d’esprit de l’Allemagne, en plein triomphe, pour comprendre quel coup lui portera la désillusion suprême. Le 15 juillet 1918, elle ne doute encore ni de la justice de sa cause, ni de la force de son épée, ni de la solidité de son armure, ni du génie de ses généraux ; mais elle a conscience de son usure physique et morale ; elle est excédée de cette guerre qui l’a conduite de victoire en victoire et de déception en déception ; elle est exténuée par les privations. Déjà, en 1917, sans la foi en Hindenburg, sans la conviction que la guerre sous-marine devait réduire l’Angleterre, et surtout sans les défaillances de ses adversaires, elle eût été près de succomber au découragement. Affranchie de la menace russe, elle a écoulé encore une fois la voix des chefs militaires qui l’appelaient à la curée ; elle s’est résignée à courir les risques d’une dernière bataille. La chance tourne contre elle. Où trouvera-t-elle désormais l’énergie de réagir contre le sentiment de la défaite ?


ANDRE HALLAYS.