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Mignard, dans leurs plus grands cadres, n’eussent représenté Castelnau plus vivant, ni mieux.

Le maréchal, ainsi qu’il a été dit de Villars, était-il surtout un beau zèle et une fortune ? Était-il comme Turenne un caractère ou, comme Fabert, unissait-il aux talents de l’homme de guerre les vertus de l’homme de bien ? Ce sont là autant de traits de sa nature qu’on aimerait connaître. Pour le zèle, il est peu de personnages qui, dans le temps où l’erreur de la Fronde avait atteint les mœurs et troublé la nation, en fissent montre de plus scrupuleux… Tandis qu’on voyait les plus grands faiblir, et Turenne et Condé eux-mêmes se laisser gagner à la rébellion, il fut, lui, toujours loyal, et c’est ce dont Mazarin lui sut un gré particulier. Jamais et dans aucun cas l’attachement de Castelnau à la cause du Roi ne souffrit d’atteinte ; et, comme la cause du Roi se confondait étroitement, dans ce temps-là, avec celle de l’État, on peut dire, du lieutenant-général, qu’il est peu de modèles, dans une époque troublée, d’une fidélité demeurée en dépit de l’exemple, aussi inflexible.

La carrière militaire du marquis de Castelnau est toute d’honneur ; mais, s’il était besoin de caution pour en montrer l’élévation et la droiture, nous pourrions produire la plus haute de toutes : celle du Roi. En quelque circonstance que ce fût, le monarque ne laissa jamais d’exprimer sa satisfaction d’une conduite acquise si totalement au bien de la France. Cette marque de confiance éclatait si bien et à tout propos que, quelque difficulté que Castelnau vint à rencontrer dans le service, Louis XIV n’intervenait jamais que pour la trancher en sa faveur. Cela se vit bien au siège de Mouzon, survenu en 1653 peu de temps avant celui de Sainte-Menehould. Le sieur de Vautourneux, commandant les dix compagnies du régiment des gardes françaises, ayant été envoyé devant la place, M. de Castelnau, lieutenant-général, lui avait donné des ordres ; et le duc d’York, dans ses Mémoires, rapporte que Vautourneux, soit aigreur, soit suffisance, soit parce qu’il appartenait à la maison du Roi, refusa de se rendre à ceux-ci. En vain M. de Turenne lui-même s’efforça-t-il de représenter au commandant des gardes françaises les inconvénients d’une indiscipline qui pouvait devenir funeste pour l’armée ; cet officier ne put se déterminer à obéir. C’est alors que M. de Turenne, n’osant se risquer à frapper un homme qui relevait du Roi seul, adressa