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compagnies des gardes françaises, de se rabattre ensuite sur Dunkerque par Ardres et Bourbourg. Pendant que cette manœuvre s’accomplissait, le vicomte de Turenne, en dépit de l’inondation de la Moër et du débordement de la Colme, résolut d’aller passer cette rivière à Bergues-Saint-Vinox. Sa jonction avec Castelnau devait s’effectuer devant Dunkerque. A peine ce mouvement fut-il exécuté, que les contingents anglais de milord Lockart et du major-général Thomas Morgan, en venant se joindre à ceux dont disposait le capitaine-général, portèrent à près de six mille hommes, tant d’infanterie que de cavalerie, les forces dont Castelnau avait reçu le commandement.

De son côté, Guillaume de Lede, que le général Hardy de Périni appelle, non sans raison, « un vieux capitaine flamand expérimenté et brave, » ne disposait, pour sa défense, que de deux mille hommes de pied et de huit cents cavaliers ; mais la situation des forts et surtout l’état détrempé du terrain rendaient, sur tout le front d’attaque, l’avance des alliés français et anglais extrêmement pénible. Le vicomte de Turenne n’en fît pas moins, au bout de peu de jours, ouvrir la tranchée par les gardes françaises ; mais le canon ennemi, habilement dirigé, venait bouleverser les travaux au point que le maréchal de Créqui et le comte de Soissons avaient bien de la peine à y maintenir les travailleurs. Pour les marquis d’Humières et de Castelnau, descendus dans la tranchée, ils eurent le comte de Guiche blessé à côté d’eux. Et, ce qui vint ajouter aux embarras du siège est que don Juan d’Autriche et Monsieur le Prince, que la cabale une fois de plus avait amené à combattre contre son Roi, entreprirent, au moyen d’une armée considérable qu’ils levèrent dans les Flandres, de se porter au secours de Dunkerque.

Roger de Rabutin comte de Bussy prétend, dans ses Mémoires, que Son Eminence le cardinal Mazarin envoya à ce moment Talon, son intendant, à M. de Turenne, pour presser celui-ci d’attaquer et que « le maréchal fut bien aise que la résolution qu’il avait prise fût autorisée par le sentiment du cardinal. » La vérité est que cette résolution, en dehors de tout accord avec le ministre, avait été si bien arrêtée par M. de Turenne, de concert avec milord Lockart, parent de Cromwell, et les marquis de Créqui et de Castelnau, qu’il n’y avait plus rien qui pût faire obstacle à l’offensive que le maréchal avait