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particulier Karl Rosner, « reçu des troupes un accueil enthousiaste. » Il est vrai que, déjà, des bruits d’abdication avaient couru ; et, d’autre part, des bruits de démission du chancelier. De ces rumeurs entrecroisées, on avait cru pouvoir inférer que le chancelier ne restait que pour que l’Empereur s’en allât; qu’il s’en irait, si l’Empereur restait ; ou qu’ils ne resteraient ensemble qu’à de certaines conditions. Guillaume II, ayant brusquement quitté sa capitale et, pour parler net, « planté là » ses ministres qui délibéraient, paraissait s’être réfugié auprès de Hindenburg, au milieu de ses armées, dans un dessein militaire désespéré. La situation n’était ni claire ni sûre. Cependant, lorsque la délégation allemande était arrivée, le 8, au quartier général du maréchal Foch, on savait au nom de qui elle se présentait et ce qu’elle représentait. Soixante-douze heures lui furent assignées, pour rapporter une réponse aux conditions qu’on lui avait fait connaître. Dans l’intervalle, et tandis que son courrier allait des environs de Compiègne à Spa et en revenait péniblement, on apprenait la révolte des marins à Kiel, puis à Wilhelmshafen, à Héligoland, à Borkum, à Cuxhaven ; et quelque chose de plus. Une révolution, en Bavière, déposait non seulement le roi Louis II, mais, en sa personne, toute la dynastie des Wittelsbach, une des plus anciennes de l’Allemagne, qui remontait au Xe siècle : un rédacteur du journal socialiste la Münchner Post, Kurt Eisner, improvisait un gouvernement. A Berlin même, les « social-démocrates » majoritaires que le prince Max de Bade avait appelés comme collaborateurs l’obligeaient à donner effectivement la démission qu’il avait offerte : à l’Empereur et de l’Empereur, ils ne disaient d’abord rien. Mais lui, l’Empereur, il parlait toujours. Il disait au ministre de l’Intérieur, M. Drews, qui lui avait été dépêché, qu’étant donnée la désorganisation de toute chose en Allemagne, il « n’abdiquerait pas de son plein gré, en aucune circonstance ; » qu’en tout cas, « il n’abdiquerait pas pour le moment. » Le 11 novembre, au matin, l’armistice était signé, consacrant, dans les termes les plus impératifs, la capitulation de l’Allemagne : Guillaume II, déclarait-on officiellement, avait abdiqué, comme on le lui demandait, en même temps que le Kronprinz renonçait sans trop de résistance à une succession qui n’existait plus : ils avaient même fait ce qu’on ne leur demandait pas, et sans le moindre mot impérial ou royal, sans le moindre geste qui sentit le gentilhomme et le soldat, s’étaient, à quelques heures de distance, misérablement enfuis en Hollande.

Toute l’histoire de cette abdication reste obscure : n’y a-t-il là que