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glacis. A coup sûr, il en faut contre elle. Nous n’avons pas à le cacher ; au contraire, nous devons le proclamer tout haut et tout de suite : notre pire ennemi en Allemagne, c’est l’unité; ou plutôt, nous avons, en Allemagne, deux ennemis très mauvais : la Prusse et l’unité. Mais l’un est le support de l’autre. L’un est le levain, le ferment de l’autre. Tout ce qui renforcerait ou consoliderait l’un ou l’autre, soit l’unité, soit la Prusse, nous serait funeste. La formation d’une République unitaire allemande, augmentée de tout ou partie des provinces allemandes de l’Autriche, nous contraindrait à prendre des garanties, que nous ne trouverions que sur la rive gauche du Rhin. Si l’on reculait, — et la décision serait ardue, — devant un démembrement et des annexions d’où pourraient naître, dans le présent ou dans l’avenir, des problèmes redoutables, il faudrait chercher d’autres solutions. Peut-être la future « Société des nations » aurait-elle l’occasion de descendre des nuées et de se poser sur la terre. Peut-être serait-on amené à l’idée d’une occupation internationale que justifierait le rôle international du Rhin dans la politique et le commerce. La guerre qui finit l’a démontré : la garde séculaire que nous montons sur le Rhin, nous la montons pour la tranquillité du monde. Il est lourd de la monter seuls. Et c’est pourquoi, aux précautions provisoires de l’armistice devront s’ajouter les précautions permanentes de la paix. Une précaution ne serait pas efficace, plusieurs le seront. On peut, on doit dès à présent penser à « l’approfondissement » de l’alliance occidentale; au développement, vers le Sud et vers l’Est, d’un boulevard d’États slaves; à des mesures ou à des conventions qui compléteraient et boucleraient le cercle. L’Allemagne n’en rirait pas. Mais justement il s’agit de ne pas la faire rire. Pour nous, n’oublions pas cette maxime fondamentale de toute sagesse politique, qu’il faut fonder sa sûreté sur ce qui dépend de soi, et non sur ce qui dépend d’autrui.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant : RENE DOUMIC.