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LA CANTATE.

Toutes les fenêtres s’ouvrent ; des têtes jeunes ou vieilles, brunes ou blondes, apparaissent curieuses. De la rue, on leur crie : « Pavoisez ! » Et tous aussitôt d’accrocher des drapeaux aux couleurs françaises et alliées. Bleu, blanc, rouge, vert, jaune, c’est l’arc-en-ciel de la paix. Toutes ces couleurs semblent chanter.

LE CHANT.

Elles chantent la Marseillaise, la Brabançonne, le God save the King, le Yankee Doll, les hymnes italien, serbe et roumain.

L’IDYLLE.

Pauvres Russes !

LE DRAME.

Les taxis filent en vitesse : au vent de la course claquent les petits drapeaux soudain arborés ; des gens courent de tous les côtés.

L’IDYLLE.

Ils courent annoncer la grande, la bonne nouvelle. Chacun a hâte de l’annoncer à l’être qui lui est le plus cher et de se réjouir avec lui. La joie n’est pas complète, si elle n’est pas-partagée. Ah ! plaignons, plaignons de tout notre cœur ceux qui sont seuls en ce beau jour. Admirez ce grand soldat américain : il est loin de sa patrie, de son foyer, des siens ; et, pour ne pas être seul, en de pareils instants, il a saisi à pleins bras une gentille ouvrière et il dépose de gros baisers alliés sur ses joues, sur ses yeux, sur sa bouche même. La petite rit : elle est contente… je comprends. (Soupirant.) Elle a de la chance ! Mais pourquoi la Poésie lyrique ne dit-elle rien ?

LA POÉSIE LYRIQUE.

Ah ! n’attendez pas de moi un couplet. Et que voulez-vous que je dise ? Je regarde, j’écoute. Je vis, comme je peux, cette heure merveilleuse que la France attendait depuis longtemps et depuis peu, depuis plus de quatre ans et moins de huit jours. Cette heure, tout le monde l’attendait et elle semble surprendre tout le monde. On est bien certain que l’armistice est