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POÉSIES


LES RUCHES BRÛLÉES

1914


J’aime que tout de suite ils aient brûlé des ruches.
Abeille, or bourdonnant qui dans l’azur trébuches,
Ils ne sont pas vainqueurs si tu flottes encor,
Dernier petit vestige ailé de l’âge d’or !

« Pourquoi me brûlez-vous mes abeilles ? » demande
Le curé de Fraimbois à la brute allemande.
« C’est la guerre ! » répond le général Danner.
— Oui, celle de la horde à l’essaim libre et fier.
Pourquoi de cette ruche ils ont brûlé le chaume ?
Parce que son travail faisait le bruit d’un psaume
Et que son œuvre avait la forme des rayons.
D’ailleurs, souvenez-vous, à Bruxelles, voyons,
Les Chefs n’avaient-ils pas donné l’ordre à leurs bandes
D’écraser en entrant les fleurs des plates-bandes ?
Et, janissaires gais d’obéir au vizir,
Les soldats sur les fleurs marchaient avec plaisir.
Qu’ils brûlent maintenant les ruches avec joie,
C’est logique : il n’y a qu’un pas, — le pas de l’oie, —
De la fleur écrasée aux abeilles en feu.
Comme elles crépitaient brusquement dans l’air bleu,
Et tombaient ! C’était beau. La cire parfumée
Coulait en ruisseaux noirs ! Et puis, dans la fumée,