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L’ALSACE ET LA LORRAINE RETROUVÉES.

France plus belle, plus glorieuse qu’aux plus beaux jours de son histoire, lui reviennent sans arrière-pensée, avec le seul regret de n’avoir pas cru en ses destinées immortelles.

Il y eut quelques renégats, mais combien peu nombreux, pendant les terribles jours de l’épreuve ! Ceux-là, le peuple les connaît et il ne leur pardonnera pas leur lâche abandon ; mais la France, toujours généreuse, ne tiendra pas rigueur aux hésitants que la dureté du joug allemand et la longueur de la veillée d’armes avaient trouvés insuffisamment armés pour la lutte. D’avance, je m’étais porté garant de la loyauté de ces indécis, et pourtant les nationalistes, mes amis, avaient eu tant à souffrir de leur atrophie politique ! Il m’est d’autant plus agréable de constater maintenant combien mes prévisions étaient justes. Il n’y a pas d’Alsacien-Lorrain, à part quelques rares exceptions, qui ne soit heureux de redevenir Français. Voilà ce que proclament hautement, à la face de l’ennemi abattu et des neutres jusqu’ici sceptiques, les manifestations dont les provinces reconquises nous donnent le réjouissant spectacle.

Dans un journal mulhousien, qui jusqu’ici avait été condamné au silence par les rigueurs de la censure allemande, je lisais, à la date du 13 novembre, donc plusieurs jours avant l’entrée triomphale des troupes françaises dans la grande ville industrielle, la phrase que voici : « Nos maîtres ne se doutaient pas des combats qui se livraient dans nos âmes ; mais il est une chose qu’ils devront dorénavant admettre : le plébiscite a eu lieu en Alsace-Lorraine. »

Oui, le plébiscite a eu lieu et, du premier coup, sans avoir exercé aucune pression sur les électeurs, la France recueille l’unanimité des suffrages. Et pourtant l’Allemagne aux abois, l’Allemagne désespérée de perdre des provinces, dont la richesse était nécessaire à sa prospérité, avait tout tenté, jusqu’à la dernière heure, pour essayer de retenir sous sa domination les annexés de 1871. Tant que la victoire avait favorisé ses étendards, elle avait sans pitié, avec une barbarie sadique, écrasé les Alsaciens-Lorrains sous la botte de son militarisme brutal. Puis, quand vinrent les mauvais jours, le gouvernement de Berlin fit une brusque évolution. L’autonomie du pays d’empire, toujours refusée en temps de paix, fut offerte aux annexés sous le feu des canons français, autonomie large,