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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/830

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REVUE DES DEUX MONDES.

glorieuses, lire pieusement tous les humbles noms qui sont inscrits sur ces croix, afin de remercier personnellement, du fond du cœur, chacun de ces enfants de France, dont le sacrifice volontairement consenti, héroïquement accepté, nous permet de trouver maintenant, au terme de cet austère et doux pèlerinage, l’accueil de la terre promise.

De Verdun à Briey, dimanche, 17 novembre.

On sort de Verdun par la rue Chevert en ruine, la place d’Armes bordée de décombres, la rue Saint-Pierre démolie ; on franchit la porte Chaussée, et l’on suit jusqu’au delà des faubourgs, l’avenue d’Alsace-Lorraine.

Cette avenue rejoint la caserne Chevert et se prolonge par la route nationale de Paris à Metz, laissant à gauche les forts de Souville, de Tavannes et de Vaux. À chaque instant, sur cette route, on voit ce qu’a souffert ce pays meusien. Des fragments de maisons, des épaves de villages jonchent, comme après un naufrage, la fluctuation des collines et l’ondulation des plaines. La rafale de feu et de fer a écrêté tous les murs, écimé tous les arbres.

Des bâtisses, des vergers et des habitants de la commune d’Eix nous n’avons pas retrouvé d’autres traces visibles que deux ou trois pans de murailles lézardées, qui achèvent de s’effriter sur un sol encombré de cailloutis, de plâtras et de charpentes chavirées.

Étain, gros chef-lieu de canton, que peuplaient, avant la guerre, trois milliers d’habitants, n’est plus qu’un désert où, par des brèches béantes, on devine péniblement le labeur commercial et industriel d’autrefois. Quelques enseignes, encore accrochées, dans la rue principale, aux façades trouées des boutiques et des magasins vidés de toute marchandise, racontent le négoce d’antan, l’époque déjà lointaine et quasi préhistorique où l’hôtel de la Sirène et les dix auberges de cette localité abritaient, chaque vendredi les nombreux clients attirés par le marché aux grains. Les panonceaux des trois notaires ont disparu avec leurs études et leurs archives. Les deux banques d’Étain ont été pillées. Les trois pharmacies sont introuvables. Rien ou presque rien ne reste plus du collège où les agriculteurs de la contrée aimaient à faire éduquer paternellement leurs enfants. Le néant de toutes ces choses mortes,