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L’ALSACE ET LA LORRAINE RETROUVÉES.

est âgé de cinquante ans !… » Alors, sans répondre, ils m’ont battue comme plâtre, ils m’ont traînée dans la chambre. Je me suis sauvée au grenier, ils m’ont battue encore. Ils m’ont lancée du haut en bas de l’escalier. J’ai alors vu mon pauvre mari. Un officier l’a tué d’un coup de revolver. C’était le lundi 24 août, au matin.

Ce récit nous est fait en présence de M. Finot, adjoint, faisant fonctions de maire, sûr garant de la sincérité du témoin. Peu s’en fallut que l’honorable adjoint ne rejoignît dans leur fosse sanglante les pauvres gens, ainsi assassinés à coups de fusil ou de revolver. N’ayant jamais quitté ses administrés, il s’était « habitué à cette idée. »

Nous demandons à cet honnête homme s’il serait possible de connaître les noms des officiers allemands qui ont commandé ces atrocités.

— C’est difficile pour l’instant, répond-il. Car, au commencement de la campagne, cela changeait quelquefois dans l’espace d’une demi-journée. Si l’un d’eux ne voulait pas fusiller la population, un autre venait…

Ce témoignage établit clairement que l’ordre réglant ces carnages méthodiques venait de très haut. Si quelque subalterne répugnait à l’horrible besogne, l’autorité supérieure le remplaçait aussitôt par un instrument plus docile ou moins dégoûté. C’était le temps où, dans cette même ville de Longuyon, le soldat Louis Farger, du 46e régiment d’infanterie, a parfaitement vu les Allemands achever des blessés français à coups de crosse, tandis que son camarade Henri Simonet, du 161e, blessé, le 24 août 1914, à Billy-sons-Mangiennes, assistait, de son côté, non loin d’ici, à des scènes toutes pareilles, et ne devait son salut qu’à l’épaisseur des blés parmi lesquels il s’était caché.

Nous avons entre les mains la liste nominative et complète des personnes assassinées à Longuyon par les officiers de l’armée allemande. Cette liste nous est remise par M. le maire, qui a bien voulu la faire relever, à notre intention, séance tenante, sur les registres de l’état civil. On y trouve, entre autres victimes, une petite servante de quinze ans, Pauline Gœury, un ouvrier de dix-huit ans, Gaston Rollin, un écolier de quinze ans, Auguste Thomas, Albert Welter, ajusteur, âgé de vingt ans, Marcel Thomas, manœuvre, âgé de dix-neuf ans,