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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/893

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visages couronnés est telle, qu’il n’est guère besoin d’évoquer, encore, l’exemple de la Sibylle, pour compléter la démonstration comparative, avec telle figure du grand porche de Reims.

Cependant, cette Sibylle est d’une telle magnificence artistique, que ce serait faire tort à l’Art Français de ne pas la revendiquer pour notre Louvre, à défaut des figures, du même style, de la Vierge et de la Sainte-Anne du portail royal de Reims. L’art grec n’a pas de beaucoup, dépassé l’élégance ni la souplesse de ces draperies épousant la forme et retombant en masses légèrement obliques sous la tension du bras gauche, à demi relevé. Mais l’œuvre capitale de cet ensemble et le chef-d’œuvre de maître Gaucher, c’est le fameux « Reiter » qu’on nomme tour à tour Saint-Étienne de Hongrie, ou bien le roi Conrad III, lequel prit part à la seconde croisade et fut le prédécesseur immédiat de Frédéric Barberousse. Voici l’un des plus beaux morceaux de la sculpture médiévale et l’une des réalisations les plus parfaites de la statuaire équestre, aussi loin du Colleone de Verrochio et du Guatemalata de Donatello que des deux Balbi de marbre d’Herculanum.

La simplicité de l’ensemble l’apparenterait plutôt à ces derniers ; mais l’habileté professionnelle et l’artifice qui a permis d’assurer l’équilibre et la stabilité de cette énorme pierre, totalement évidée entre les quatre membres du cheval, indiquent chez son auteur la science mathématique d’un architecte, habitué aux innombrables difficultés de la coupe des pierres dans la construction ogivale. On peut en juger à Paris en examinant le pinacle des trois Rois Mages, au dernier arc-boutant primitif de Notre-Dame, contre le bras Nord du transept, pour se rendre compte des tours de force de ce beau métier.

A Bamberg, le « cavalier » juché sur un grand chapiteau fleuri de larges plantes, assez semblables à l’acanthe, est accoté à un pilier nu. Le cheval, qui marchait à droite et vers la lumière, lorsque son cavalier l’a arrêté en se rejetant en arrière dans un mouvement de pesée sur le mors, est harnaché très simplement et n’est pas relié à lui par des brides de métal ; mais il porte de larges fers débordants, striés d’entailles extérieures qui indiquent qu’il est ferré d’argent, selon la coutume royale de ce temps. Les modelés en sont très simples, par larges plans expressifs qui ne détournent pas l’attention du personnage. Le roi, bien en selle, n’a d’autre attribut que sa couronne