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lui doit de joies, de vitalité saine, d’orgueil familial et de tendre respect, et qui nous fait nous agenouiller devant cette source tarissante où nous avons bu la vie et l’expérience, et dont la disparition toute proche nous diminue, en détruisant le lien qui nous rattachait aux ancêtres.

Il y a, là, comme un remords d’avoir méconnu ce grand Gaucher de Reims, et ce Jehan le Loup, ce Bernard de Soissons et ce Jehan d’Orbais, à qui nous dûmes ces visions magnifiques que leur cathédrale imposait à l’admiration des simples, comme aux savants, aux mathématiciens, aux architectes, aux peintres et aux sculpteurs, telle une idéale réalisation de l’Art français de leur époque, si proche encore de notre compréhension de la nature et pourtant si lointaine, déjà, dans les fastes trop ignorés de notre Histoire nationale.

Quelle est la frise du Panthéon qui fait défiler cette lampadophorie éclatante où le feu du Génie français se transmet de proche en proche depuis l’abbé Gellone tenant ses Sacramentaires illustrées, Tutilon, le peintre de Metz, du IXe siècle, allumant le premier tison du glorieux embrasement, activé par Hervé de Beauvais, Betton de Sens, Hugo d’Apt et Theudon de Chartres au Xe siècle ; amplifié par Odoranne de Sens, le sculpteur de la reine Hortense, par Fulbert qui jette les fondations de Chartres, Walcher de Cambrai, Sigon de Fougères. Valgrin d’Angers, Gaspard de Toulouse, Fulcon, le sculpteur de Reims, au XIe, et que la foule des Maîtres-d’œuvre, en rangs pressés suit au XIIe et au XIIIe siècle ? On y distingue les hautes torches de Guinamand de la Chaise-Dieu, d’Hugues et Gauzon qui créent Cluny, de Bénezet sur son pont d’Avignon, de Gislebert d’Autun, puis Guillaume de Sens, Robert de Luzarches, Jehan de Chelles, Pierre de Montereau, Villard de Honnecourt, Gérard de Riles, Etienne de Bonneuil, Mathieu d’Arras, Henri Arler de Boulogne, Martin Ravège et tant d’autres, portant leurs cathédrales, dont les verrières flamboyantes nous éclairent, mais assombrissent leurs traits.

Voilà ce que l’Art à l’école devrait faire apprendre aux enfants en mettant sous leurs yeux, comme une frise en papier peint placée au-dessus des nouvelles cartes de la France, la longue procession des grands Artistes nationaux, portant leurs œuvres principales, avec, au-dessous d’eux, leurs noms et les dates de leur histoire. Si la Philosophie de l’Art a voulu ignorer jusqu’à