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Vienne appelait Ruthènes, restèrent en dehors de l’immense Empire. En revanche, par conquête ou par héritage, les Tsars rangèrent sous leur sceptre, sur tout le pourtour de leurs Etats, des peuples qui n’étaient pas Russes et qui souvent même n’étaient pas Slaves. Au Nord-Ouest, le traité de Viborg, en 1812, fit du Tsar un grand-duc de Finlande. A l’Ouest, le long de la Baltique, furent annexés les Esthoniens qui sont un rameau de la grande famille finnoise ; plus au Sud, les Lettons et leurs cousins germains les Lithuaniens, qui appartiennent à une très ancienne race indo-européenne. A l’Ouest encore, la Russie prit sa large part du dépeçage de la Pologne. Au Sud, elle absorba en 1878 la partie roumaine de la Bessarabie par où elle devint riveraine des bouches du Danube. Catherine II acquit en 1784 la Crimée dont la population est en partie tatare. La conquête du Caucase et de la Transcaucasie réunit à l’Empire des populations géorgiennes, arméniennes, tatares, sans compter toutes les tribus de la montagne qui parlent plus de cent langues différentes. Au Sud-Est la domination russe engloba le groupe compact des musulmans du Turkestan, entre la Caspienne, l’Hindou-Kouch et les Pamir. A l’Est enfin, la Russie atteignit le Pacifique, soumettant des populations mongoles, turques, mandchoues, colonisant des terres vierges, y portant la civilisation, créant dans les steppes sibériens et les vallées des grands fleuves une véritable Russie nouvelle. De l’ancienne domination mongole, il subsiste, à l’intérieur même de l’Empire, dans le bassin de la Volga, de nombreux îlôts musulmans, débris d’anciennes nations, demeurés là quand la grande marée des invasions turco-mongoles reflua vers l’Asie. Leur centre principal est Kazan. Tatares, Tchérémisses, Tchouvaches, Bachkirs, Mordvines, Kalmouks, etc., atteignent le chiffre de sept millions. Ils se rattachent par la nombreuse confédération des Kirghizes aux masses musulmanes du Caucase, du Turkestan et de l’Asie Centrale.

Ainsi, un énorme noyau central composé des trois grandes fractions du peuple russe : Grands-Russes, Blancs-Russes, Petits-Russes ou Ukrainiens, constituant avec la Sibérie une masse de plus de cent millions d’âmes, dont soixante millions pour les seuls Grands-Russes ; et, tout autour, comme autant de ballonnets formant ceinture à un gros ballon, des peuples d’autres races qui, presque partout, séparent la Russie des Etats de