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qui avait cru pouvoir fonder son indépendance sur la protection allemande, est revenue de sa funeste illusion ; son gouvernement a lancé un mémorandum (28 novembre) où il déclare que « la Géorgie se connaît trois ennemis ; le bolchevisme, la contre-révolution et la Turquie, » ce qui signifie qu’elle se rattacherait volontiers à une Russie fédérale, pourvu que ce ne soit ni l’ancienne Russie centralisatrice, ni la nouvelle Russie anarchique.

Ainsi se groupent, dans la région, de la Mer-Noire, la plus grande partie des forces nationales russes qui veulent à la fois sauver les résultats de la révolution et maintenir une Russie forte dans son unité fédérale. Tel est aussi le programme des Alliés. L’affranchissement des populations non russes que le tsarisme opprimait, est un bénéfice pour la civilisation, à laquelle ces nouveaux Etats apporteront le fruit de leur génie original et de leur effort personnel, et il sera finalement un bénéfice pour la Russie elle-même ; leur amitié ne lui fera pas défaut quand elle sera redevenue forte et devenue sage ; leur alliance sera plus précieuse à la Russie libre que ne l’était leur obéissance à l’ancienne autocratie. La Pologne elle-même, si la paix la fait assez grande pour épanouir sa brillante civilisation, cherchera son appui à l’Est pour faire face à la poussée germanique qui est trop ancienne et trop incorporée aux instincts de la race pour ne pas se renouveler. A l’intérieur même de la Russie, les groupes musulmans pourront, sans inconvénient, recevoir des garanties pour leur religion, leur langue et leurs coutumes ; ils deviendront des membres utiles de la fédération russe à laquelle se rattacheront aussi les Etats du Turkestan et du Caucase.

Mais il faut bien se rendre compte que de tels résultats ne seront pas l’œuvre d’un jour et qu’ils seraient compromis soit par l’abstention des Alliés, soit par une intervention mal préparée et incertaine de ses fins. Ce que les Alliés ont à poursuivre en Russie, c’est leur lutte contre l’Allemagne pour l’établissement d’une paix qui sera durable dans la mesure où elle sera juste. S’ils se désintéressaient du sort de la Russie, s’ils la laissaient en proie à l’effroyable tyrannie des bolcheviks, un jour viendrait où l’Allemand insinuant et plat réussirait, sous un déguisement approprié, à s’introduire en Russie, où il a gardé des accointances, pour y organiser la production, coloniser