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défendue contre des offensives sans cesse renouvelées. » M. Raymond Poincaré se plaît à voir dans cette décision « un hommage de toutes les nations représentées à un pays qui a, plus encore que d’autres, connu les souffrances de la guerre, dont des provinces entières, transformées en vastes champs de bataille, ont été systématiquement ravagées par l’envahisseur, et qui a payé à la mort le tribut le plus lourd. » Le Président ne manque pas de le rappeler : « Ces énormes sacrifices, la France les a subis sans avoir la moindre responsabilité dans l’épouvantable cataclysme qui a bouleversé l’univers. » Le sang versé à flots (ce n’est pas, hélas ! une image) ne saurait retomber sur elle. Aucun des alliés n’est davantage ni coupable ni responsable. A chacun d’eux, M. Poincaré rend, en termes appropriés, ce témoignage, qui est, en substance, le même pour tous : dans la guerre, ils n’ont voulu, comme ils ne veulent, dans la paix, que la justice. « Mais, fait observer avec force M. le Président de la République, la justice n’est pas inerte ; elle ne prend pas son parti de l’injustice ; ce qu’elle réclame d’abord, lorsqu’elle a été violée, ce sont des restitutions et des réparations, pour les peuples et les individus qui ont été dépouillés ou maltraités. En formulant cette revendication légitime, elle n’obéit ni à la haine, ni à un désir instinctif et irréfléchi de représailles : elle poursuit un double objet, rendre à chacun son dû et ne pas encourager le recommencement du crime par l’impunité. Ce que la justice réclame encore, sous l’influence des mêmes sentiments, ce sont des sanctions contre les coupables et des garanties efficaces contre un retour offensif de l’esprit qui les a pervertis. Et elle est logique en demandant que ces garanties soient données, avant tout, aux nations qui ont été et qui peuvent être encore le plus exposées à des agressions ou à des menaces, à celles qui ont maintes fois risqué d’être submergées sous le flot périodique des mêmes invasions. » Ainsi M. le Président de la République a évoqué, avant qu’elle s’ouvrit, « l’esprit » de la Conférence de la paix, qu’un mot suffit à définir : ce doit être l’esprit de la victoire. « Cette victoire est totale, puisque l’ennemi n’a demandé l’armistice que pour éviter un irrémédiable désastre militaire ; et, de cette victoire totale, il vous appartient de tirer aujourd’hui, dans l’intérêt de la justice et de la paix, les conséquences totales. » A la Conférence de la paix forte, seule paix juste et durable, il ne peut y avoir de place ni de jour pour des compromis, pour des combinaisons d’idées confuses et de volontés flasques. Il faut avoir sans cesse l’idéal devant les yeux, mais ne pas oublier que nécessairement on a derrière soi,