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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/846

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LE
POÈME DE LA DÉLIVRANCE

I

DÉTRESSE DE LA TERRE


En ce temps-là, le sang ruisselait sur la terre,
Les cris des naufragés flottaient au ras des eaux,
Et, le ciel même étant un secteur militaire,
Les guerriers dans leur vol surpassaient les oiseaux.

Dans un brouillard de flamme et de morceaux de cuivre,
Si dense qu’on eût cru que rien n’y pouvait vivre,
Un ruban sinistre ondulait,
Passant par des bois morts et d’anciens villages.
Et l’homme de corvée, et l’âne, et le mulet,
Les camions, les attelages
Haletaient et sifflaient par route et par sentiers.
De tous côtés, les trains, sur voie étroite ou large,
Cornaient, sifflaient, tiraient leur charge.
Un mécanisme immense et des peuples entiers,
Obéissant partout à la même consigne,
Tous colorés d’un gris terreux.
S’épuisaient jour et nuit dans un effort fiévreux
Pour alimenter cette ligne.



Derrière, par delà ce terrain convulsé.
Au bas de ce rideau d’orages.
Des moutons vaguaient dans des pâturages.
En paix, pouvait-on croire, ainsi qu’au temps passé.