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russe est de nature à modifier radicalement leur attitude. On sait ce que pensaient de la Russie et de ses Alliés les Juifs américains qui ne peuvent oublier les pogroms : par la bouche de leur chef, M. Oscar Strauss, qui jusqu’alors avait défendu la cause de l’Allemagne, ils se déclarent pro-Alliés « sans hésitation ni réticence » (New York Times, 2 avril) ; et les manifestations semblables se multiplient. Toutes les sympathies sont acquises à la nouvelle Russie. A sa suite, dit-on, les autres pays vont voir raffermir chez eux les principes vraiment démocratiques. — Un autre nuage, la question irlandaise, assombrit aussi l’horizon : l’hostilité contre l’Angleterre continue à se manifester toujours sous forme de protestations contre le blocus. Mais là encore, dit-on, le libéralisme finira par prévaloir.

Les conditions de la participation de l’Amérique à la guerre s’affirment et se précisent : ce sont les principes de l’américanisme pur qu’on appliquera. On ne laisse passer aucune occasion de protester que les Américains ne peuvent souscrire à tous les buts de guerre des Alliés. Le 4 avril, M. Hitchcock le dit formellement au Sénat. Et la New Republic du 31 mars écrit : « On ne pourrait permettre qu’une armée américaine envoyée en Europe partageât la responsabilité des buts obscurs de l’impérialisme italien ou du gâchis grec, ou du démembrement de la Turquie, ou même de la restitution à la France de la totalité de l’Alsace-Lorraine. » Malgré toutes ces restrictions, l’immense majorité des Américains est bien d’avis que la cause des Alliés est, dans l’ensemble, celle du droit et de la démocratie. « Les nations chez lesquelles l’opinion publique compte, dit la New Republic du 7 avril, sont toutes dans le même camp. » Même le New York American de Hearst du 4 avril reconnaît que, « maintenant que la Russie est une démocratie, le conflit est vraiment devenu une bataille mondiale de la démocratie contre la monarchie. » Et aucune adhésion à notre cause n’est plus significative que celle de cette presse obstinément germanophile.

Sans doute les résistances ne sont pas toutes vaincues encore. Mais les appels des extrémistes ne trouvent plus d’échos dans la masse de la nation. En vain les Quakers déclarent que toute guerre est un crime : en vain l’Emergency Peace Federation, par la bouche de son président, David Starr Jordan, affirme qu’aucun acte, si brutal qu’il soit, « ne justifie à faire la guerre une République dont le rapport essentiel avec les