Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/909

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que 18 hommes sur 720 qu’il devait fournir ; pendant les dix premiers jours d’avril, on compte 4 355 engagements volontaires, et c’est 500 000 qu’il faut immédiatement. Et, chose plus triste encore, prévoyant l’appel aux armes des seuls célibataires, les jeunes gens partout se mettent à l’abri en se mariant : à Chicago, 1 126 se marient en un seul jour, battant tous les records : à New-York, on est obligé d’élever à 300 le nombre des secrétaires de l’état civil pour faire face aux innombrables demandes : Billy Sunday, le prédicateur populaire, dénonce âprement « les lâches qui se cachent derrière des jupes de femmes. » Et lorsque, le 19 avril, le ministre de la Guerre déclare que les jeunes gens mariés depuis le début des hostilités seraient soumis aux mêmes obligations militaires que les célibataires, ils ne sentent plus aucune vocation pour le mariage. — Chose étrange, c’est le Middle-West pacifiste qui fait honte à l’Est. A Chicago, en un seul jour 158 hommes se sont engagés dans l’armée, 91 dans la marine, 62 dans les fusiliers, tandis qu’à New-York le même jour l’armée ne recrutait que 70 hommes, la marine 29 et les fusiliers 40 : à Kansas City, il y a eu 660 engagements depuis le 6 avril : mille étudiants de l’Université de Minnesota sont entrés d’un bloc dans les fusiliers marins.

Puisque le volontariat ne rend pas, la conscription s’impose. Elle fut volée, après avoir été d’abord rejetée, le 18 avril, par la Commission de l’armée. Ce n’était que la conscription mitigée par des exemptions et le tirage au sort, le « sélective draft. » Elle ne donnait que 500 000 hommes dont l’instruction devait commencer immédiatement, 500 000 autres qui seraient appelés et instruits quand le Président le jugerait nécessaire, C’était un commencement. Ce n’était qu’un commencement, et bientôt on fut obligé d’aller plus loin.

Ce fut alors surtout que l’action de la mission française se fit sentir. Contre les hésitants, contre les lenteurs gouverne- mentales, l’enthousiasme qu’elle déchaîne soulève toutes les impatiences. Le 15 mai, la Tribune écrit : « A l’heure actuelle, le peuple des Etats-Unis est profondément intrigué par ce qui se passe à Washington ; mais, si intrigué qu’il suit, il se rend de plus en plus compte que l’on ne fait pas de progrès réels et que la guerre n’est conduite ni avec efficacité ni avec rapidité. » Elle déclare qu’en dehors du vote de l’emprunt de sept milliards