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envoie sont condamnés à mort. Là, on leur fait travailler de grandes terries de poussières métalliques qui leur donnent des maladies de foie et les empoisonnent en quelques mois. »


« Cependant, reprend Robert M... que nous avons vu, tout à l’heure, condamné aux bataillons de discipline, ce n’est pas parce qu’ils nous avaient mis à Sedan que notre résolution avait changé. Nous ne voutions toujours pas travailler pour eux. Alors, après nous avoir attachés pendant une semaine à un arbre, les mains derrière le dos, sans rien nous donner à manger de toute la journée, ils nous ont enfermés au cachot. Deux fois par jour, ils nous en sortaient et renouvelaient leur demande.

— Voulez-vous travailler ? Si vous travaillez, vous aurez à manger.

Ils croyaient toujours que nous allions fléchir. Ils ne savaient pas, ces Boches, que, lorsqu’un Français répond : non, ce n’est pas : oui... » Braves petits ! Nous-mêmes, dont ils sont les frères plus jeunes, soupçonnions-nous, dans leur âme, une telle force, une telle noblesse et, pour tout dire, un tel stoïcisme ! Obstinés dans leur refus héroïque, ces enfants n’ignorent pas, cependant, le supplice qui les attend. Leurs vêtements leur sont enlevés, leur chemise tombe. Deux mains cruelles et fortes les saisissent, les flagellent. Les coups de schlague s’abattent sur eux et, tandis que la chair se déchire, que le sang gicle, une voix rauque compte les coups, afin qu’il ne soit pas fait grâce d’un seul... « Ils nous en donnaient cent vingt chaque fois ; tantôt nous faisant coucher sur le ventre et tantôt sur le dos... » A Sedan, la flagellation a lieu dans l’intérieur de la citadelle. Les cris des suppliciés peuvent monter, nul ne les entend. ;

Ailleurs, à Saint-Quentin, une femme m’a dit :

— Dans le faubourg d’Isle où j’habitais, quand venait l’heure où ils schlaguaient ces pauvres petits, toutes, nous fermions nos portes, nos fenêtres ; nous nous bouchions les oreilles... On ne pouvait pas supporter leurs hurlements, cela faisait mal...

« En plus de ce supplice, continue Robert M..., nous recevions à tout moment, sans seulement savoir pourquoi, des coups de crosse, des coups de poing, des coups de botte. En temps ordinaire, on aurait eu mal ; mais c’était si peu de chose