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croire sans l’avoir vu. D’ailleurs, la Prusse ôtée, il fût resté l’Allemagne, l’Allemagne d’avant la Prusse, l’éternelle Allemagne ; et dans Gœthe lui-même… Relisons la Campagne de France.

Mais un involontaire mouvement de sincérité, autant que l’indigence des ressources locales, avait poussé l’Assemblée nationale à tenir ses séances dans un théâtre. La scène convenait parfaitement à la comédie que l’on voulait jouer. Elle représentait l’ancien Reichstag impérial, avec son mobilier et ses accessoires. Dès le prologue, Ebert s’avança et dit : « Le gouvernement salue dans l’Assemblée nationale le seul et suprême souverain d’Allemagne. Le temps des rois et des princes par la grâce de Dieu est à jamais fini. » Il avoua : « Nous avons perdu la guerre, « et se déchargea sur le prince Max de Bade, dernier chancelier authentique, c’est-à-dire sur l’Empereur, de la responsabilité de l’armistice. Quant aux responsabilités de la guerre elle-même, fidèle à une tactique déjà vieille, Ebert ne s’attarde point à les rechercher. « Auprès de la misère qui s’est abattue sur nous, la question des responsabilités apparaît presque de minime importance… » Pourquoi, continue le premier Commissaire du peuple, « pourquoi nos adversaires nous ont-ils combattus ? Selon leurs propres témoignages, pour anéantir notre impéralisme. Celuici n’est plus, il est liquidé pour toujours. » Donc, plus d’obstacles à la paix. Mais que l’Entente prenne garde. « Nous prévenons nos adversaires de ne pas nous pousser à bout. » Sinon, le gouvernement tout entier fera comme le général de Winterfeld, découragé de voir que les conditions de l’armistice « sont devenues d’une dureté inouïe et ont été exécutées sans pudeur. » Alors, « il pourrait aussi être contraint de renoncer à collaborer ultérieurement aux pourparlers de paix et rejeter sur ses adversaires tout le poids de la responsabilité d’une nouvelle organisation du monde. » Pourtant, que veut le peuple allemand ? « Le peuple allemand a confiance dans les principes du Président Wilson, il attend la paix du Président Wilson. Il n’aspire qu’à entrer, avec des droits égaux, dans la Société des Nations, et y acquérir par son zèle et son activité, une position respectée. » Des responsabilités particulières, l’Allemagne n’en accepte ni dans le passé, ni dans le présent, ni dans l’avenir. La guerre finie, le temps des rois fini, tout, pour elle, doit être fini. Elle « peut encore faire beaucoup dans le monde. » A son rang ? Non. En avant et au-dessus. ’Peujours Deutschland vber ailes. « Nous sommes entrain de marcher à la tête du monde au point de vue socialiste. » C’est précisément de quoi se vantent depuis un an les bolcheviks russes. Le monde